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l’accompagnant d’un court billet où il disait, comme en passant, que les « étroites relations traditionnelles entre les deux monarchies voisines pouvaient certainement être utilisées contre l’arrogance des Anglais. »

Ayant entrepris sa campagne, l’empereur Guillaume tenait à lui garantir le succès par tous les moyens à sa disposition.

C’est ainsi que, le lendemain du jour où le télégramme en question avait été expédié, le baron Holstein, ce haut et mystérieux fonctionnaire de la Wilhelmstrasse se présenta chez notre ambassadeur à Berlin. Il lui exposa, à peu près dans les mêmes termes, ce que son maître avait suggéré au Tsar au sujet d’une alliance russo-franco-allemande. Il avait en outre mission d’ajouter que, dans l’hypothèse de notre consentement, le Gouvernement russe devrait demander catégoriquement à la France si elle considérait une guerre entre la Russie et l’Angleterre comme un casus fœderis.

La visite du baron Holstein fut racontée par le comte Osten-Sacken dans une lettre secrète que le ministre soumit à l’Empereur avec un billet explicatif. Lamsdorff disait dans ce billet que, d’un côté, un rapprochement avec l’Allemagne , surtout dans les circonstances présentes, était certainement désirable, mais que, de l’autre, il ne fallait pas perdre de vue le désir constant de l’Allemagne de nous brouiller avec la France. Poser des questions catégoriques à la France, serait très indélicat, d’autant plus qu’elle ne cessait de nous témoigner la plus solide amitié. Pour finir, le ministre conseillait à l’Empereur beaucoup de circonspection dans une affaire aussi délicate.

Malgré ce conseil, Nicolas II répondit au Kaiser qu’un pareil accord entre la Russie, la France et l’Allemagne lui plairait assez : on maîtriserait ainsi l’outrecuidance des Anglais. Il acceptait donc l’idée d’une alliance russo-franco-allemande contre l’Angleterre et le Japon. En priant l’empereur Guillaume d’élaborer les lignes principales du futur traité, le Tsar affirmait que notre alliance avec la France n’excluait pas son adhésion à la nouvelle combinaison.

Les dernières phrases de la lettre étaient consacrées à l’incident du Doggerbank qui, selon le désir de l’Empereur, ferait l’objet d’un examen dans une commission internationale ; l’attitude des Anglais était qualifiée de révoltante et ils étaient accusés de nous avoir adressé des notes fulminantes.