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fallait vraiment toute l’effronterie du Kaiser pour croire qu’il pourrait les faire accepter de son correspondant. En effet, malgré l’assurance que les renseignements venaient d’une source « sûre, » comment pourrait-on admettre que l’amiral japonais eût raconté dans les interviews tout ce que l’empereur Guillaume veut bien lui attribuer ; il est encore moins probable que les Anglais eussent permis à un personnage officiel japonais de divulguer leurs agissements auxquels ils avaient certainement recours, mais qu’ils tenaient évidemment à garder secrets.

Ces trois télégrammes, se rapportant chronologiquement à la fin de 1903, dépeignent déjà suffisamment le rôle personnel de l’empereur Guillaume dans les événements qui préludèrent à ceux de l’année 1904.

Au cours du récit qui va suivre, je reviendrai encore sur cette correspondance « amicale. » Dans ses lettres volumineuses et dans ses télégrammes innombrables, le Kaiser abordait les sujets les plus variés. Il y avait encore une autre question qui l’intéressait à la fin de l’année 1903, c’était celle de la neutralisation du Danemark : et voici ce qu’il télégraphiait à ce sujet à l’empereur Nicolas le 14 décembre au moment où le roi de Danemark devait passer par Berlin, en se rendant à Gmunden pour assister aux noces d’argent de la duchesse de Cumberland :

Le Roi vient dans deux jours de Copenhague pour nous faire une visite. Dois-je aborder avec lui l’objet de notre dernière conversation au sujet de la neutralité des eaux danoises pour le cas où des flottes étrangères essaieraient de les violer ? — Ma voix va beaucoup mieux. Amitiés à Alice.

WILLY.


L’empereur Nicolas répondit qu’il croyait la visite du Roi une excellente occasion pour apprendre son opinion au sujet de la neutralité danoise.

Après la visite du roi Christian, l’empereur Guillaume télégraphie de nouveau, le 18 décembre :

La conversation avec le roi de Danemark très satisfaisante. Il a parfaitement compris le sérieux de la question et l’importance vitale pour la Russie d’avoir son arrière bien gardé pour le cas où elle serait mêlée à des complications en Orient. Il a ouvertement avoué l’impossibilité pour le Danemark de défendre sa neutralité contre une Puissance navale plus forte ou bien de