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risquent d’entraîner la Russie dans une guerre néfaste... Assurément, une guerre que Votre Majesté aurait déclarée, par exemple, pour venir en aide aux Boers ou aux Macédoniens, serait tout aussi indésirable. Du moins serait-elle comprise par le peuple russe ; tandis qu’une guerre, motivée par les forêts du Yalou, personne ne la comprendrait. La situation est rendue encore plus compliquée par les rumeurs qui courent déjà en ville et d’après lesquelles Votre Majesté aurait engagé dans cette entreprise des capitaux personnels de sa famille.

— J’ai pensé moi-même à ce que vous dites, répliqua l’Empereur.

— Votre Majesté, me permet-elle de lui présenter un mémorandum sur l’ensemble de notre politique en Extrême-Orient où je combats, entre autres, les accusations de M. Bézobrazoff sur notre excessive complaisance envers la Chine et le Japon ?... Il m’est revenu que M. Bézobrazoff prétend que Votre Majesté ne daignera même pas lire mes considérations ; je tiens cependant à les lui soumettre.

— Au contraire, cela m’intéressera vivement et je vous prie de m’envoyer sans retard votre mémorandum.

Mais, quelques jours plus tard, l’amiral Alexéïeff, qui se trouvait à Port-Arthur, télégraphiait personnellement à l’Empereur que l’exécution de notre arrangement du 26 mars 1902 avec la Chine au sujet de l’évacuation de la Mandchourie détruirait tout notre prestige aux yeux des Chinois. En conséquence, l’amiral considérait qu’il serait de la plus haute importance de trouver un prétexte plausible pour ne pas évacuer la Mandchourie...

L’Empereur fit parvenir au ministre ce télégramme, en l’accompagnant d’un billet autographe, dans lequel il disait avoir télégraphié à l’amiral pour le remercier d’avoir posé la question si clairement. Il lui promettait de renforcer nos contingents permanents en Extrême-Orient. Outre cela, pour vérifier le rendement du chemin de fer transsibérien, il avait en vue de faire transporter provisoirement au delà du lac de Baïkal, sous prétexte de manœuvres, deux brigades d’infanterie munies d’artillerie.

Ensuite, Sa Majesté exprimait l’avis que l’arrangement du 26 mars devait être exécuté, sans porter cependant préjudice ni à la sécurité de notre voie ferrée, ni à notre prestige, ni à