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GUILLAUME II ET LA RUSSIE
SES DÉPÊCHES A NICOLAS II (1903-1905)

C’était au printemps de l’année 1903.

Le général Kouropatkine, ministre de la Guerre, remplissait alors une mission en Extrême-Orient ; son ministère était géré par le général Sakharoff. Le comte Lamsdorff, sous lequel j’avais l’honneur de servir, était ministre des Affaires étrangères.

Dans leurs conversations quotidiennes, le général Sakharoff et le comte Lamsdorff étaient arrivés, à la conviction que nous devions évacuer la Mandchourie, sauf à nous y assurer certaines garanties économiques qui nous seraient facilement accordées par le Gouvernement chinois.

Mais ce plan rencontrait une vive résistance chez M. Bézobrazoff, qui venait d’obtenir une importante concession forestière sur les confins de la Corée, dans la vallée du Yalou, et qui voulait la renforcer par des privilèges politiques.

Rentré depuis peu à Saint-Pétersbourg, il avait réussi, non seulement à se faufiler auprès de l’Empereur, mais encore à capter sa bienveillance. Nicolas II le recevait souvent et écoutait avec intérêt ses récits sur la concession du Yalou. Pour faire face à l’exploitation de cette entreprise, il avait su persuader à l’Empereur d’y engager ses capitaux personnels, auxquels étaient venus se joindre ceux de plusieurs grands-ducs et de nombreux courtisans qui tenaient à être agréables à leur souverain ou à recueillir des bénéfices faciles.

Dans l’esprit de Bézobrazoff, l’entreprise du Yalou devait servir les desseins de notre expansion politique en Extrême-Orient et, à ce titre, il exigeait que le ministère des Affaires étrangères s’y intéressât officiellement. Il ne fallait pas être un diplomate bien sagace pour voir ce qu’un pareil plan contenait de