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Déboute Silvain et Jaubert de leur demande ;

Les condamne aux dépens de première instance et d’appel.


Ce n’est pas à nous d’apprécier un arrêt qui donne gain de cause à la Revue. Nous nous bornerons à indiquer l’accueil qui lui a été fait dans la presse. « Monument de bon français et de bon sens français, » ainsi que l’écrit M. Abel Hermant, l’arrêt de la Cour a été partout considéré comme un retour au bon sens, et un retour au droit commun. Le Temps, — qui a consacré au droit de réponse une série de remarquables articles, — fait justement ressortir que la situation à laquelle cet arrêt met fin était une situation d’exception : « Depuis 1845, les tribunaux se sont inclinés dévotement devant ce qu’il leur a plu d’appeler le « droit général et absolu » de réponse. Il n’est pas un seul texte législatif qu’ils ne se soient, avec raison, reconnu le droit d’interpréter. Seul l’article 13 était à leurs yeux intangible. Ils se prosternaient devant l’icône sacrée. L’arrêt d’hier secoue la servitude dans laquelle la jurisprudence s’était elle-même enfermée. Il restitue aux tribunaux, en cette matière comme en toute autre, le pouvoir d’interpréter les textes législatifs. » De son côté, le Journal des Débats estime que l’arrêt de la Cour, en donnant satisfaction au bon sens, « est de nature à bien servir la liberté de l’esprit et des lettres. [1] »

Retenons ces mots ; c’est ici l’essentiel : le principe que sanctionne l’arrêt de la Cour est celui de la liberté.

Liberté de la presse. Rappelons à ce propos une équivoque sur laquelle on a beaucoup vécu dans la polémique des journaux et qu’il importe de dissiper. On a prétendu que limiter le droit de réponse, fût-ce aux limites de l’abus, c’était porter atteinte à une liberté. « Vous me fermez votre porte, dit l’auteur mécontent : vous attentez à ma liberté en m’empêchant de pénétrer chez vous. » A cette prétention osée n’est-ce pas plutôt le directeur de journal qui est fondé à répondre : « Non pas : je défends contre vous mon seuil, ma frontière, mon territoire : je reçois qui je veux, je n’admets pas qu’on force ma porte. Interpellez-moi dans tel journal où vous croirez pouvoir m’interpeller. Libre à vous. Mais chez moi, pas ! [2] » Ce que consacrait Inapplication abusive

  1. Voir le Temps du 26 novembre et les Débats de la même date.
  2. Plaidoirie de Me Léouzon Le Duc.