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dans les termes les plus nets, avec une parfaite décision, que la loi n’avait nullement entendu infliger, en n’importe quel cas, l’insertion de n’importe quelle réponse. Son exposé très étudié, — et qui fut très remarqué, — avait été la nouveauté caractéristique de cette phase du procès : c’était le premier pas vers une solution conforme à l’équité.

Les conclusions de M. le substitut Caous étaient pour la Revue une claire indication. Au surplus, elle ne pouvait, quand elle l’aurait voulu, accepter le jugement qui la condamnait. Elle ne le pouvait pas, devant l’émotion soulevée dans la presse par ce jugement. « Ce fut une explosion, a dit justement l’avocat de la Revue. Tout d’abord, la plupart de ceux que la question intéressait songèrent à obtenir une modification de la loi de 1881 ; le Syndicat de la Presse émit un vœu et élabora un texte ; un député, M. Thiboul, saisit la Chambre d’une proposition de loi. M. Cruppi fit de même au Sénat. La Société d’études législatives, sur le rapport de Me Albert Vaunois, et sur l’avis conforme de la Commission dite « du droit de réponse, » particulièrement de MM. Feuilloley, Laborde et Ambroise Colin, tous trois de la Cour de cassation, proposa de compléter l’article 13 de la façon suivante : Toutefois les articles de critique purement littéraire, artistique ou scientifique, qui ne contiennent point d’offense, ne donnent ouverture au droit de réponse que pour la rectification des erreurs matérielles [1]. » Cependant les associations littéraires entraient en jeu, d’innombrables articles paraissaient dans les journaux de toutes nuances, à Paris, en province, et même à l’étranger. Dans ces conditions, était-il possible d’abandonner la partie ? Par la force des choses, la question du droit de réponse était posée devant l’opinion. L’opinion, dans son ensemble, et quelles que pussent être les divergences de détail, réclamait une interprétation moins surannée du vieux texte, — aujourd’hui centenaire, — de la loi, assez généralement connue sous le nom de : loi contre la presse.

C’est dans cette atmosphère que s’est ouvert le procès en appel devant la première chambre de la Cour, présidée par le premier Président André. Dans une cause où l’intérêt général était si nettement marqué, je ne pouvais risquer de compromettre, par mon inexpérience des choses juridiques, un succès qui ne devait pas être seulement le mien. Je me suis donc

  1. Plaidoirie de Me Léouzon Le Duc.