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baromètre ? Pour remettre l’Allemagne sur pied, il faudrait un grand emprunt international ; or les banquiers des États-Unis ne seraient disposés à tenter une telle opération que si un moratorium d’au moins cinq ans était accordé à l’Allemagne. Mais qui nous garantirait, si nous nous y prêtions sans gages ni garanties, que dans cinq ans l’Allemagne tiendrait ses engagements et consacrerait une juste part de sa prospérité recouvrée à payer ses dettes et à réparer ses dévastations ? Avons-nous affaire à un créancier de bonne foi qui ne demande qu’à devenir bon payeur ? L’Allemagne, jusqu’ici, ne nous a donné aucune raison de penser que sa signature ou sa parole vaut de l’or. Aux offres très insuffisantes, presque dérisoires, qu’elle a été amenée à faire à la Commission des réparations, elle a ajouté comme condition, — car c’est elle qui pose des conditions, — l’évacuation de la région rhénane par les troupes alliées. De telles prétentions justifient de notre part toutes les défiances ; si nous avions la faiblesse d’y céder, nous perdrions toute chance d’obtenir la moindre partie de notre dû. Sans renoncer à des paiements en argent dont nous avons besoin, il faut nous habituer à l’idée que des compensations politiques assurant la sécurité de la France constitueraient aussi une forme appréciable de réparations. M. Loucheur a indiqué récemment, dans un intéressant discours à la Chambre, avec l’assentiment plusieurs fois exprimé de M. Poincaré, certains traits d’un système de garanties politiques et militaires. M. Poincaré lui-même, à la Chambre et au Sénat, a loyalement exposé l’état de la question. MM. Theunis et Jaspar sont venus le 23 à Paris pour conférer avec le Président du Conseil sur l’opportunité de réunir bientôt une conférence à Bruxelles, et il est déjà question d’une entrevue prochaine de M. Poincaré avec lord Curzon et M. Mussolini. La conférence de Bruxelles sera la dernière tentative pour aboutir à une solution amiable du problème des réparations ; si elle échoue, il ne restera plus que le recours aux solutions de force.

On peut espérer que bientôt les Puissances de l’Entente, pour consacrer leurs efforts solidaires à ce problème capital, seront débarrassées des complications orientales. La conférence de Lausanne est ouverte et elle débute sous d’heureux auspices. Des conversations préliminaires ont permis aux Alliés de préciser et d’accorder leurs points de vue. Lord Curzon s’est arrêté à Paris le samedi 18 novembre ; il savait déjà par une communication du comte de Sainte-Aulaire, que sur tous les points principaux du mémorandum envoyé par lui quelques jours auparavant, l’accord était virtuellement