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par les socialistes écossais, a été élu, par 61 voix contre 57 à M. Clynes ; leader du parti travailliste et, par suite, leader de l’opposition à la Chambre des communes. C’est là un phénomène tout nouveau dans l’histoire anglaise : en face d’un conservatisme renforcé se dresse un parti du travail à tendances socialistes ; entre les deux, le vieux libéralisme est écrasé ; c’est l’aboutissement de la lente évolution historique qui a transformé l’économie nationale de la vieille Angleterre. Heureusement pour elle, ses socialistes ne sont guère révolutionnaires ; deux communistes seulement ont réussi à se faire élire ; et, d’autre part, ses conservateurs ont l’esprit attentif à toutes les réformes utiles. N’est-ce pas sir Charles Dilke qui disait un jour : « Les conservateurs anglais sont bien réactionnaires, pas autant cependant qu’un radical français ? » On peut compter que l’esprit de transaction qui a toujours caractérisé la politique anglaise n’a disparu ni dans les rangs du Labour party, ni dans ceux des conservateurs. Pour le moment les difficultés sont grandes ; le ministère sa trouve en présence d’une formidable manifestation de sans-travail à Londres. Pour la première fois, les questions sociales, prenant le pas sur les problèmes politiques, amènent à Westminster une opposition socialiste ; or, on sait qu’en Angleterre, l’opposition d’aujourd’hui, organisée et encadrée, c’est le ministère de demain. C’est un fait capital dans l’évolution intérieure de la vie politique anglaise.

Chaque parti regrette l’échec de quelques personnages notoires : les travaillistes ont perdu M. Henderson ; les conservateurs, sir Arthur Griflith Boscawen, M. Leslie Wilson battu à Londres, dans le quartier aristocratique, par un conservateur plus intransigeant, un die Hard, M. Erskine. Mais l’échec le plus significatif est celui de M. Winston Churchill ; le sûr instinct des électeurs anglais les a bien inspirés quand ils ont fait porter une lourde part de responsabilité dans les échecs et les difficultés de la politique britannique à cet esprit charmant, généreux, mais chimérique et présomptueux qu’est l’ancien ministre des Colonies de M. Lloyd George : il a été l’un des instigateurs et des plus obstinés soutiens de la politique arabe et grecque dans le Proche-Orient ; or, c’est à Afioum Kara-Hissar qu’a commencé la déroute de la politique de M. Lloyd George et de M. Churchill.

La lourde tâche du Cabinet dirigé par M. Bonar Law va précisément consister à liquider, en les réparant dans la mesure du possible, les conséquences des erreurs ou des illusions du précédent ministère. Les élections du 15 novembre éclaircissent l’horizon ; elles auront sur les relations de la France avec ses alliés de la Grande Guerre les plus