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comique. Une série d’appoggiatures, qui descendent et se traînent de note en note, semble l’imitation ou la caricature, — volontaire ou non, — d’un thème douloureux, pour de bon, celui-là de Sébastien Bach. Le même motif, pris plus vivement, accompagne peu après, du bas en haut de la maison, la course au testament. De celui-ci, l’orchestre commente seul et pianissimo l’ouverture et la lecture muette Plus loin enfin, Schicchi prend le soin, par prudence, de rappeler aux parents, bientôt ses complices, les peines rigoureuses dont ils courent le risque avec lui : rien de moins que la main droite coupée et l’exil. Cela fait, étendant lui-même vers la ville, qu’on aperçoit par la fenêtre, sa main couverte de sa manche et qui semble d’avance un moignon, il adresse à Florence un éventuel autant qu’ironique adieu. Toute la famille la répète, mais en tremblant, et c’est peut-être l’épisode le plus spirituel de la partition.

Il en fallait un autre, du genre sentimental. Ici, de même que dans Falstaff, le couple des petits amoureux en fournissait l’occasion. On ne peut dire que M. Puccini l’ait tout à fait manquée. On saurait encore moins oublier comment en profita Verdi et quelle bouffée de printemps, de jeunesse et de poésie il fit jaillir à certains moments de la farce shakspearienne. Mais c’était Verdi !

Après avoir entendu le Vanni Marcoux de la Habanera, allez ouïr celui de Gianni Schicchi. Plein de verve et de vie, avec autant de finesse que d’ampleur, c’est lui qui mène le jeu. Et vous admirerez l’artiste, égal et contraire à lui-même, qui nous fait voir en lui seul ce que Bossuet appelait « toutes les extrémités des choses humaines. »


CAMILLE BELLAIGUE.