Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 12.djvu/702

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Mais il faut écarter les prestiges dont il arrive très souvent que s’entoure une idée fausse, par une sorte de vitalité qui l’anime : — les idées, comme les êtres, ont leur « vouloir-vivre ; « — et par le zèle, ou sincère ou non, de ses inventeurs et propagandistes. L’observateur de la réalité, le romancier, Balzac, une fois écartés les prestiges, pose alors des questions telles que celles-ci que M. Paul Bourget formule : « Si pourtant l’idéologie révolutionnaire s’était trompée ? Si elle avait méconnu les conditions de la santé nationale ? Si la déclaration des droits de l’homme n’était qu’un code de contre-vérités ? » Ces questions désormais posées, Balzac et M. Paul Bourget n’éludent pas de répondre, et ment la bienfaisance de l’idéologie révolutionnaire : ils préconisent le « traditionalisme par positivisme, » une doctrine de l’utilité publique, fondée sur les renseignements que nous donne « le plus vital de nos organes, » l’observation.

Il ne m’appartient pas de discuter ici la politique et la sociologie de M. Paul Bourget. Mon intention n’était que d’indiquer, en peu de mots, comment s’est accrue son idée de la littérature et comment sa critique s’achève en doctrine. Il veut que les écrivains, et principalement les romanciers, soient, en France, des éducateurs de la pensée : « je ne dis pas des sermonneurs. » Il leur demande d’ajouter aux idées vraies, et qui ont prouvé leur valeur en étant bienfaisantes, la « crédibilité » qui les rendra persuasives. « Voilà dit-il, notre service à nous. La Comédie humaine est là pour démontrer que ce service est compatible avec toutes les franchises de la peinture. Une telle manière de comprendre l’art du roman, non seulement n’est pas une diminution de la puissance de l’artiste, elle en est une exaltation. » L’auteur de ces lignes est aussi l’auteur d’une « comédie humaine » qu’anime sa doctrine, assidue, ardente et vivante.


ANDRÉ BEAUNIER.