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le firmament égal, le stigmate se dilate, l’anthère crève, et le pollen attend qu’un souffle survienne, si insensible soit-il, qui l’emporte, le rabatte et le verse sur le pistil ouvert.

Ou bien il se livre aux insectes : mouches, papillons, abeilles qui accourent, attirés par la senteur suave exhalée des calices épanouis, comme ils le sont ailleurs par le nectar ou le coloris, et qui le recueillent en butinant, le chargent sur leurs ailes capricieuses, et le sèment de corolle en corolle au hasard du vol. Car les fleurs ne sentent bon, ne distillent le miel, ou n’éclatent de couleurs que pour appeler et charmer ces agents de fécondation, que pour les retenir le temps nécessaire à leur intervention. D’aucuns prétendent que les fleurs se fécondent elles-mêmes, à défaut des vents ou des insectes. C’est pure imagination, je pense... La fusion mystérieuse opérée, l’enfantement progressif du raisin s’élabore. Chaque grappe de fleurs se change en grappe de grains, aussi fournie qu’il y a de pistils, et tandis que la parure embaumée qui enveloppait les parties vitales se dessèche et s’en va, à mesure que le fruit est conçu...

Les hybrideurs choisissent deux pieds de vigne, l’un qui sera considéré comme cep mâle, l’autre comme cep femelle. Tous les deux seront des sujets éprouvés, de santé indéfectible, de ces ceps de roc prêts à aller cent ans. Il s’agit d’abord de rendre la souche qui servira de mère, passive. Pour y parvenir, on la châtre. On observe la marche de la floraison sur d’autres pieds de même cépage, mais mieux exposés, qui s’épanouiront plus tôt, qui permettront de saisir le moment opportun ; et, dès que leurs étamines se sont libérées, avant que les premières fleurs du cep à féconder n’éclatent à leur tour, deux ou trois jours avant, on procède à la castration. On adopte sur lui la grappe de fleurs la plus belle de forme et de développement, on l’élague, jusqu’à ne conserver que quelques grappillons particulièrement bien soudés et bien venus, et on détache des fleurs les anthères et le capuchon, du bout d’une pince à bords plats, d’un mouvement léger de torsion, en ayant grand soin de ne pas blesser le pistil. Un rien le froisse, comme un rien crève les anthères sur le point de se déchirer. C’est une opération délicate au possible, pratiquée sur des organes aussi fragiles, que le poids d’une mouche fait plier... Et il importe qu’elle soit entière, radicale, et qu’aucune anthère ne soit oubliée...

Les fleurs châtrées, on les féconde. On prélève, sur le cep