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qui n’est point d’application courante est à rejeter. La méthode botanique prit le pas

On avait remarqué, en Amérique, des plantes sauvages, de pampres ruisselants, de sève pour ainsi dire intarissable, qui semblaient se rire de la vie et de la mort. Cependant, dans l’humus millénaire où ils jaillissaient, le phylloxéra, la bête dévastatrice pullulait : leurs racines en étaient assiégées : un chevelu aussi puissant, aussi luxuriant que leur feuillage. On les arracha, on les examina, on secoua la vermine, et les racines apparurent piquées aussi, enflées de nodosités, mais superficielles, que la densité du tissu, l’épaisseur du tégument empêchait de nuire. Le flot nourricier circulait sous elles, battait son plein. Ces victorieux s’appelaient le Rupestris, ou cep de roc, le Riparia, ou fils de la rive, le Cordifolia, à cause de la forme de ses feuilles en cœur ou de ses nervures accentuées, et le Berlandieri, du nom de son vulgarisateur, et jouissaient tous d’une imperturbable santé. Ils poussaient des fleurs exquisement parfumées. Ils chargeaient l’air d’une odeur de cannelle et de miel, à goût de fruit, que la bouche respirait à l’égal de la narine. Mais, chose curieuse, ils n’étaient que peu féconds, et les rares fruits qu’ils portaient, lorsque les vents, les papillons et les abeilles, complices des désirs amoureux dans le monde végétal, les avaient accidentellement croisés, à l’aveugle, n’arrivaient que difficilement à maturité, demeuraient grêles et hésitants, comme étonnés de se voir au jour. De plus, sous la dent, ils accusaient une forte saveur foxée, désagréable à nos palais européens. Alors on réfléchit... Puisque la partie souterraine de la vigne, périssable dans le cep français, résistait chez le cep américain ; et que la partie aérienne, inutilisable dans la souche américaine, gardait sa valeur dans la souche française, il n’y avait qu’à les mêler en les greffant, sarment français, sur racine américaine, qu’à marier la force de celle-ci à la douceur, à la saveur de celui-là. Ce qui fut fait. On eut ainsi l’individu que l’on cherchait, un raciné-greffé, vivant avec l’ennemi, obtenu par un procédé simple, à portée de tous, connu depuis l’origine des choses culturales.

Il restait à assoler ce sujet, ou plutôt les sujets produits, car tous les vinifera français servirent de greffons. Or, arrachés des pépinières où ils faisaient leur chevelu, et transplantés en pleine terre, ils se montrèrent en général déroutés par le sol, par le