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et la Charte. La Révolution, la France, le Duc de Bordeaux, la guerre d’Espagne, la Dauphine, entourent le Roi, tenant la place des personnages qui devaient figurer autour de Napoléon. Ce fait est curieux à ajouter à l’histoire des changements qu’a éprouvés l’église Sainte-Geneviève, que voici de nouveau destinée aux grands hommes.

Chaque fois que je revoyais la triomphale colonne de la place Vendôme, je restais autant de temps à la contempler que si c’eût été le premier jour. Ses bas-reliefs me rappelaient d’honorables et glorieux souvenirs. Le temps n’avait pas effacé les impressions vivaces de cette célèbre campagne d’Austerlitz. La Révolution de Juillet fit disparaître le drapeau blanc qui s’y déployait et restaurer le drapeau tricolore sous les couleurs duquel nous avions vaincu les Autrichiens dans cette immortelle campagne en 1805.

J’avais formé le projet, avant mon arrivée à Paris, de suivre les cours des plus illustres professeurs du Collège de France et du Jardin d’histoire naturelle. Je comptais sur mon bon vouloir, mais il me manqua en partie, et puis les dérangements, les visites, vingt autres obstacles s’y joignirent. Je ne fus assez exactement qu’à celui de chimie, à la Sorbonne, fait par M. Thénard. C’est une indifférence que je me reproche quand elle a été volontaire.

Un homme avait à cette époque une espèce de célébrité, que peu de personnes auraient enviée ; mais on cherchait à le voir, et je le regardais chaque fois que j’allais me promener dans les galeries du Palais-Royal : c’était le Diogène de ce brillant bazar, le fameux Chodruc Duclos, de Bordeaux. Cet homme, après avoir joui d’une assez belle fortune, fait l’ornement de la bonne société et paradé sur de beaux chevaux, après s’être fait remarquer par son bon ton, son luxe de toilette, ses fréquents duels et ses nombreuses maîtresses, promenait son cynisme, sa misère, ses haillons, dans le lieu de Paris le plus hanté par les étrangers, les provinciaux et les désœuvrés. On le regardait avec étonnement, on admirait sa belle taille, sa figure expressive, ses yeux de feu, mais on détournait aussitôt la vue, tant l’abjection et le malheur de ce personnage, encore fier, attristaient. Il avait été l’ami, disait-on, du comte de Peyronnet, qui fut deux fois ministre et signa les Ordonnances de juillet.

Voilà comment pendant les premiers mois je courus assez