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Wissembourg. Etonné de ce qu’il me disait, je lui demandai comment il pouvait savoir cela.

— C’est bien simple, me dit-il, votre capitaine de carabiniers est l’ami de mon précepteur. C’est par lui que j’ai appris tout ce que je sais sur votre prochain départ et votre destination.

Ce charmant enfant ne me quitta pas de la soirée, m’expliqua tous les tableaux de la galerie, le nom des peintres, et les beautés de chacun d’eux. Tout cela était dit avec un aplomb et une grâce charmante.


PROMENADES DANS PARIS

Non content de noter au jour le jour tant de grands événements dont il vient d’être le témoin, Barrès, avec cette curiosité toujours en éveil qui est chez lui un trait de caractère, a soin de consigner dans son journal toutes les nouveautés qui l’ont frappé dans Paris pendant ses sept années de séjour (1823-1830.) Monuments, spectacles, voitures publiques, — Favorites, Dames blanches, batignollaises, — etc., tout l’intéresse et il ne manque pas de signaler les difficultés croissantes de la circulation dans les rues !

Ma promenade favorite était le jardin du Luxembourg ; mais après la mort de ma femme, j’y fus moins souvent, le voisinage me rappelant de trop douloureux souvenirs. Je visitais avec plaisir ses superbes collections de rosiers, ainsi que la pépinière de l’enclos des Chartreux. J’allais souvent dans les galeries du palais du Luxembourg admirer les belles peintures modernes qui s’y trouvent réunies. Elles n’y sont pas à demeure ; quand le peintre qui les a produites est mort, ses ouvrages sont portés au Louvre, et leur place prise par ceux que le Gouvernement a achetés aux expositions publiques. Ainsi le musée du Luxembourg est le musée des peintres vivants ; le Louvre, celui des peintres morts. En général, la vue des chefs-d’œuvre de l’école moderne fait plus de plaisir, à ceux qui ne sont pas connaisseurs, que la majeure partie des tableaux du Louvre. Mais les artistes et les amateurs instruits en jugent autrement. Une autre promenade qui avait toutes mes sympathies, c’était le Jardin des plantes. J’y ai passé dans la belle saison des matinées et des soirées pleines de charme. Combien je jouissais de voir en détail le jardin de botanique, de parcourir les serres et les nombreuses galeries du Muséum ! Au reste, c’était Paris tout entier qui m’attirait dans