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beauté et leur gracieuse élégance. Je suivis la reine dans les grands appartements, où je restai longtemps pour jouir du magnifique coup d’œil qu’offrait le Champ de Mars dans cet instant de la journée.

Le 13 septembre, eut lieu la prestation du nouveau serment, juré individuellement par tous les officiers, sous-officiers et soldats, en face du drapeau tricolore, dans la cour de la caserne. Le 26, il y eut une revue du Roi.

Le Roi, en passant devant le front de chaque régiment, fit prodigieusement de promotions, pour remplir les vacances et attacher l’armée aux nouvelles institutions. On aurait dit un lendemain de Wagram ou de la Moskowa. Mais une grande révolution politique, qui bouleverse toutes les situations acquises, qui a tant de nouvelles exigences à satisfaire, n’est-ce pas aussi une grande bataille donnée, des vainqueurs et des dévoués à récompenser ? C’était 1815 retourné, les mêmes prétentions, les mêmes ridicules, les mêmes apostasies.


LE DUC D’AUMALE A HUIT ANS

Quelques jours plus tard, le 28 septembre, Barrès dîne au Palais Royal.

Je pris place à la table du Roi. Nous y étions soixante. Placé à un bout, à côté de l’aide de camp de service, le maréchal de camp, comte de Rumigny, je pus de ce point remarquer tous les convives, dont je me fis dire les noms par l’aide de camp. La beauté et la régularité du service, la délicatesse des mets, dont beaucoup m’étaient inconnus, le luxe des décorations et de brillants accessoires qu’on ne peut guère trouver qu’à une table royale, m’instruisirent de la manière la plus intéressante sur les avantages de la richesse et les agréments du grand monde. :

A cette table étaient le Roi, la Reine, Mme Adélaïde et la fille aînée du Roi. Le Duc d’Orléans et son frère, le Duc de Nemours, présidaient une autre table, où tous les jeunes invités prirent place. On prit le café dans les grands salons, où je fus accosté par le Duc d’Aumale, enfant de huit ans, qui me charma par son aimable babil et des connaissances qui m’étonnèrent, bien que son rang ne me les fit pas paraître au-dessus de ce qu’elles étaient. Il savait que le régiment allait à Strasbourg et moi à