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tentations qu’on mit en jeu pour que les hommes en vendissent pendant ce long trajet autour des murs d’enceinte et depuis la barrière de la Râpée jusqu’à la caserne. Si ces hommes furent ce jour-là mauvais soldats, ils furent du moins honnêtes gens.


LA FAMILLE ROYALE

Le soir de ce 9 août, je fus, avec les autres officiers supérieurs du régiment, présenter mes hommages à notre nouveau Roi et à la famille royale Je fus vivement émerveillé de la simplicité et de la bonté remarquables de cette belle et intéressante famille, qui s’était trouvée au milieu de nous pour nous préserver de l’anarchie. Après avoir causé quelques instants avec le Roi, nous fûmes présentés à la Reine, à Mme Adélaïde, aux jeunes princesses et aux Ducs de Chartres et de Nemours. Il y avait beaucoup de monde, notamment les maréchaux, duc de Dalmatie (Soult), duc de Trévise (Mortier), duc de Tarente (Macdonald), duc de Reggio (Oudinot), et les comtes Jourdan et Molitor, en grand costumes des dignitaires, au milieu d’un très grand nombre de généraux. On était sur la galerie vitrée du Palais Royal, tant pour jouir de la fraîcheur de la soirée que pour voir l’affluence des curieux dans la grande cour et le jardin. Tout était plein. Les cris de « Vive le Roi ! » et des airs patriotiques joués par diverses musiques, se firent constamment entendre, jusqu’au moment où la pluie vint interrompre cet admirable concert de satisfaction. On passa dans les salons. La Reine, les princesses et quelques dames se placèrent autour d’une table ronde où elles travaillèrent, les hommes circulèrent tout en causant à travers les salons. Le Roi, M. Laffitte et d’autres personnages politiques que la Révolution venait d’élever aux premières fonctions, s’entretenaient dans une embrasure de croisée ; les princes recevaient les nouveaux arrivants, et surtout leurs condisciples du collège Henri IV. Enfin tout, dans cette première réunion royale, charmait par sa simplicité. C’était un tableau de famille plein de douce émotion et d’heureuses espérances.

Le 28 août, le régiment change de caserne. Il est envoyé à l’École militaire. Le lendemain eut lieu, au Champ de Mars, une grande revue de la Garde Nationale, pour la distribution des drapeaux aux bataillons des douze légions.