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recueilli. Mais même là même dans ces milieux populaires, on rencontre des fascistes en herbe : ce qui est surprenant, et significatif.

Ce qui n’a pas changé, c’est la grande liberté qui préside à l’éducation des enfants. La contrainte sociale que nous leur imposons chez nous depuis leur plus jeune âge n’existe pas ici. Un homme du Nord, habitué aux règles de la civilité puérile et honnête, qui veulent que les enfants ne paraissent pas à table, qu’ils parlent peu s’ils y paraissent, qu’ils n’attirent pas l’attention, qu’ils se conduisent en toutes choses comme de petits hommes ou de petites femmes qui auraient peu de droits et beaucoup de devoirs, a souvent lieu de s’étonner. L’exubérance des petits n’est pas réprimée ; leurs cris et leurs rires résonnent sur un mode triomphant. Cette affreuse institution, qu’on appelle l’internat, et qui transforme les maisons d’éducation en prisons ou en casernes, n’existe en Italie qu’à l’état d’exception : heureuse Italie ! La personnalité, de même qu’elle se développe sans frein, s’affirme plus vite. Elle est précoce. On s’appelle « étudiant, » avec tous les privilèges attachés au titre, bien avant qu’on entre à l’Université ; on est étudiant dès le lycée. De simples collégiens manifestent dans la rue et, au besoin, font grève (cette forme de protestation a toute leur sympathie), comme nous voyons s’agiter chez nous les élèves de l’Ecole de Médecine ou de l’Ecole de Droit, ayant déjà barbe au menton.

Les jeunes Italiens se sont donnés ardemment aux sports ; ils fournissent en abondance coureurs, nageurs, cyclistes. Ils se sont même initiés aux jeux qui ont paru longtemps le privilège des Anglo-Saxons. Il est vrai que la boxe, qu’on tente d’acclimater, ne rencontre jusqu’ici qu’une faveur assez lente. Mais le foot-ball fait fureur. Quelquefois, quand le train vous emporte à travers la campagne, vous apercevez une pelouse verte où s’agitent les maillots bariolés des joueurs : vous vous demandez si vous êtes dans la vieille Angleterre, ou bien à Vercelli, à Gênes, à Novare. Ce jeu est si bien entré dans les mœurs, que l’Italie du Nord possède maintenant des équipes de choix, capables de rivaliser avec les meilleures du continent, et quelquefois même d’outre-Manche. Seulement, la tactique est différente. Les Italiens ignorent la discipline rigoureuse qui fait de chaque parti une machine, obéissant automatiquement à l’ordre de son capitaine. Si les joueurs se trouvent là où il faut, et quand il le