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Rome ou même à Naples, pendant plusieurs années ? Il y faudrait un patrimoine. Ainsi apparaît une nouvelle espèce d’étudiants, que la nécessité oblige à se tenir loin des grands centres, et qui ne recueille directement la parole des professeurs que par exception. Apparaît même une catégorie qui semblait réservée, jusqu’ici, à la civilisation américaine plutôt qu’à notre civilisation latine : certains étudiants mènent une double vie : d’une part, ils exercent un métier qui leur sert de gagne-pain ; et d’autre part, ils continuent à préparer, du mieux qu’ils peuvent, examens et concours. On en signale, pour la première fois, qui sont non seulement secrétaires ou journalistes, mais commis de magasin. La vie est dure...

En politique, ils sont en grande majorité ou fascistes et nationalistes, ou populaires. Et à moins d’événements qu’on ne peut prévoir, à moins qu’il ne passe sur le pays une de ces vagues qui bouleversent sa psychologie et le font passer brusquement d’un extrême à l’autre, l’Italie de demain sera composée de patriotes et d’hommes d’action. J’insiste sur cette remarque, et je tiens à extraire de l’enquête de M. Prezzolini quelques opinions très nettes, parce qu’il s’agit, — qui pourrait en douter ? — et pour l’Italie et pour ses voisins, d’un point essentiel ; parce qu’il est nécessaire qu’amis et ennemis soient avertis. Chez les étudiants, « un immense amour pour la patrie italienne ; et comme expression de cet amour, le fascisme. » — « Majorité écrasante de fascistes et de nationalistes ; un noyau de populaires. Ces opinions s’expliquent par un vif sentiment patriotique et par conscience de classe. » — « Ils sont beaucoup plus intensément nationalistes que leurs prédécesseurs, en ce sens qu’ils méprisent l’étranger, ou qu’ils l’admirent beaucoup moins qu’autrefois. Autrefois, on supposait toujours a priori que l’étranger était supérieur. On ne le suppose plus aujourd’hui. » Voilà ce que constatent les maîtres de la jeunesse ; voilà un des résultats de la guerre qui n’est ni parmi les moins curieux, ni parmi ceux que l’on doive le plus facilement oublier.

On m’assure qu’il en va de même dans les lycées, où la plus grande partie des élèves est, pareillement, fasciste. Je prends comme témoin cette blonde et frêle Paolina, fille d’un de mes amis, que je trouve transformée à chacun de mes voyages, et qui maintenant essaye ses jeunes ailes. Elle a quatorze ans ; elle tient la tête de sa classe, plus zélée et plus fine que les garçons :