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par la crise sociale ; et avec tout cela une des plus sûres de son destin pour l’avenir : dans le soir qui tombe, on voit le rougeoiement de ses usines.

Pour son compte, mon interlocuteur fait une grande différence entre les étudiants revenus de la guerre, et les plus jeunes, qui n’ont pas pris part à la mêlée. Il constate chez les premiers plus de sérieux, plus d’application, et comme une gravité recueillie. Sans doute, leurs connaissances sont limitées, mais elles sont limitées en étendue, non pas en profondeur. A l’école de la réalité la plus impitoyable, ils ont appris plus que dans les livres ; et, s’ils reviennent aux livres avec joie, ils les lisent autrement. On a plaisir, me dit-il, à diriger des esprits aussi mûrs. Les autres lui donnent moins de satisfaction. Une vague de paresse a passé sur eux, tandis qu’ils étaient encore au lycée ; exactement comme en France, l’intérêt porté vers d’autres batailles que celles que raconte Tite-Live, vers d’autres héros que ceux de Plutarque, l’absence des professeurs les plus actifs, le départ des pères, l’indulgence infinie des mamans, a désorganisé l’école ; et l’Université, qui reçoit aujourd’hui ces adolescents, les trouve mal préparés à leur tâche de futurs conducteurs d’hommes. Ils ont je ne sais quelle superbe ; ils s’imaginent volontiers que le génie suffit à tout, et que l’effort est le fait d’âmes médiocres : à la science patiemment acquise ils préfèrent l’intuition. Passe encore, quand en effet ils ont du génie : mais quand ils n’en ont pas, — et l’on sait de reste que le génie, même dans ce pays si exceptionnellement doué, n’est pas la chose du monde la mieux partagée, — les résultats sont désolants. Au reste, conclut-il, son expérience est assez restreinte, car les étudiants ne le choisissent pas toujours pour faire leurs confidences ; mais il m’enverra un article qui répond au souci qui m’occupe, et qui donne les résultats d’une véritable enquête sur la jeunesse, étendue à toute l’Italie.

Il me le fait tenir, en effet. M. Giuseppe Prezzolini a interrogé les maîtres qui lui paraissaient avoir le plus d’influence sur la génération qui vient, et il a résumé leurs réponses dans une très vivante étude publiée par le Corriere della Sera. Sur la transformation opérée par la guerre dans l’esprit des jeunes gens qui ont combattu, il y a unanimité d’opinion. Les formules comme celles-ci abondent : « Ils sont animés de préoccupations plus élevées et plus complexes. » — « Ils sont plus sérieux, plus