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au pays, les populaires et les fascistes, fondent leur puissance sur la discipline que les chefs ont su inculquer à leurs troupes. On pourrait se livrer quelque temps encore à ce jeu des contradictions, si celles-là ne prouvaient surabondamment ce que l’on veut mettre en lumière : la richesse de cette âme, qui contient, prêtes à jaillir, les forces contradictoires de la vie.

Le ciel de France est plus léger, d’un bleu plus pâle ; la courbe de ses fleuves est plus molle, et plus douce la ligne de ses coteaux ; une harmonie plus discrète fond les couleurs de ses bois et de ses champs. Ici, le ciel est plus éclatant, la lumière plus puissante et comme implacable ; tout est plus heurté. Dans les jardins des collines romaines, les fleurs ont des couleurs plus vives que sous nos climats ; les plantes exhalent un parfum plus violent, la menthe, la sauge, le poivre ou la vanille. Et de même, dans les productions de l’esprit, je note un accent plus âpre. Chez les écrivains les plus représentatifs de la littérature d’après guerre, qui à eux seuls mériteraient une large étude, quel bouillonnement ! Chez un Borgese, que de passion, que d’intelligence ; quelle fougue, et dans cette fougue, que de raison ! Chez un Papini, quelle ardeur de lyrisme, quelle véhémence, quels emportements, et quelle sève ! Chez un Soffici, quel amour brûlant de la terre natale ; et comme on sent frémir, à travers tous ses écrits, l’âme d’un combattant ! J’ai retrouvé, en feuilletant ses pages, un pittoresque et paradoxal symbole, qui surprend au premier abord, mais qui ne laisse pas d’être chargé de sens. C’est une impression qu’il avait notée il y a quelques années déjà lorsqu’étant à Paris, il se sentait au cœur la nostalgie de la patrie lointaine. Il s’était diverti à décrire une de ces boutiques italiennes qui foisonnent dans notre capitale, voire une des mieux achalandées et des plus connues ; une de ces boutiques où s’entassent, dans le fouillis le plus amusant, des produits alimentaires de toute espèce : les formes des fromages s’érigent en colonnes, les jambons et les saucissons enguirlandent la voûte, les caisses de pâtes voisinent avec les sacs de riz, les barils d’anchois et les tonneaux d’olives sont protégés par des rangs serrés de fiaschi ; pas un coin n’est perdu. Ce que voyant, Soffici songe aux produits de son pays ; et, à les voir si sains, si plantureux, si abondants, si hauts en couleur, si riches, il se réjouit en lui-même. Ecoutons-le :

« C’est que, voyez-vous, Madame, cette boutique représente