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demandait d’aller la voir le soir. Ma tante y fut et fut accablée de questions pour savoir la vérité sur cette affaire ; elle ne croira guère, je pense, qu’il n’en est rien. Pour moi, cette histoire m’amuse ; mais elle contrarie ma tante. Elle est si craintive ; elle aime si peu à se mettre en rapport avec le public, que même un bruit honorable la fait frémir. Mais il faut peu la connaître pour croire qu’elle voulût accepter un rôle qui la mettrait en butte à l’envie, et comme disait très justement Mme de Boigne, si le Roi pouvait marcher et qu’on me dit qu’il passe deux ou trois heures par jour chez Mme Récamier, que même elle fait souvent fermer sa porte pour causer avec lui, je le croirais, mais croire qu’elle va le chercher, jamais.


M. Ampère [1], le savant, fait une comparaison ingénieuse du genre humain à la vie d’un homme.

D’abord, un pauvre enfant garrotté, emmailloté, dépendant, c’est la civilisation de l’Egypte dont les momies et les statues nous donnent si bien l’idée.

L’enfant grandit, marche, se débarrasse de ses entraves, déploie toute sa grâce, sa gentillesse ; ses réparties sont vives et piquantes : c’est la Grèce.

Mais arrive le temps du collège, l’enfant est soumis à des maîtres durs, on l’oblige à de certains travaux, ses sentiments les plus doux sont comprimés. C’est Rome.

Il sort de l’enfance. On lui parle d’une meilleure vie, son imagination se remplit des plus nobles pensées, on lui fait faire sa première communion : c’est l’établissement du christianisme et les premiers siècles de l’Eglise.

Mais on empoisonne ces consolantes pensées ; le jeune homme devient superstitieux, les croyances les plus douces se changent en croyances sinistres : c’est le bas Empire et le Moyen Age.

Cependant il entre en rhétorique ; l’ordre renaît dans ses idées, son imagination est riante : c’est François Ier jusqu’à Louis XIV.

C’est alors qu’il entre dans le monde, il n’a plus de guide, se livre à tous les plaisirs, tous les excès, il épuise les extravagances : c’est le siècle de Louis XV et la Régence.

Mais il vient d’atteindre sa grande majorité, il demande ses

  1. André-Marie Ampère, l’illustre physicien, père du littérateur Jean-Jacques Ampère.