Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 12.djvu/490

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Pérou ; les couleurs françaises sont particulièrement nombreuses. Les fleurs tombent des balcons, d’où s’élèvent de nombreux cris de « Viva la Francia ! » et aussi de « Vive la France ! » que répète la foule. Nous voici sur une place bien dégagée, où s’entrecroisent plusieurs larges avenues plantées de grands arbres. Là s’élève un bel hôtel particulier, réservé à l’ambassade de France. Il est contigu à la Légation et nous sommes immédiatement présentés à Mme Dejean de la Batie, dont l’aimable concours me sera bien précieux. Nous faisons connaissance avec le personnel péruvien qui sera attaché à l’ambassade, M. Ortiz y Zevallos, des Affaires étrangères, le colonel Ponce et trois officiers.

Nous n’avons pour cet après-midi qu’une seule obligation, celle de rendre visite au ministre des Relations extérieures. M. Ortiz y Zevallos s’offre à nous guider incognito dans la visite de la ville ; et nous voici en civil, pour la première fois depuis le départ de France.

Le Club de l’Union, où il nous conduit tout d’abord, est confortable avec un luxe de bon goût. La bibliothèque est riche ; la salle de lecture est fréquentée et bien garnie, particulièrement en publications françaises. On sent là un milieu cultivé, où les loisirs gardent des préoccupations intellectuelles. Mais je demande à visiter les anciens monuments que les tremblements de terre ont épargnés et qui doivent offrir des curiosités, en tout cas évoquer le passé lointain et glorieux de la métropole espagnole, dont la Lima moderne reste fière.

M. Ortiz y Zevallos nous conduit d’abord au couvent des Franciscains, placé sous la protection du Saint patron de l’Ordre, curieux de voir un général français. Le Prieur nous fait les honneurs de sa maison, et aussi le curé de la paroisse, qui parle couramment notre langue et qui a fort à faire pour traduire les multiples questions qui se pressent. Car les Franciscains ne sont pas des Trappistes voués au silence. Voici un cloître avec des murs revêtus de belles faïences espagnoles où je lis les millésimes 1722 et 1757 ; une bibliothèque avec des missels du XVIe siècle richement enluminés ; la salle du chapitre, basse, obscure, où il y a tout juste cent ans les Pères franciscains ont prêté serment au Gouvernement de l’indépendance entre les mains du général San Martin. « Bienheureux de le faire, oh ! bien heureux ! dit un Père. Nous avons toujours été patriotes. »