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22 juillet.

A huit heures du matin, nous mouillons en rade du Callao, grand port du Pérou, construit par une entreprise française. Le Jules Michelet arbore ses couleurs, salue la terre qui répond, et hisse mon pavillon. Aussitôt une quantité d’embarcations, brillamment pavoisées, se détachent des quais et viennent entourer le croiseur français. Les plus grandes de ces chaloupes portent des musiques ou des fanfares qui jouent la Marseillaise ; des acclamations retentissent de toutes parts ; bref, cette manifestation nautique est très réussie.

Le ministre de France au Pérou est monté à bord avec l’introducteur des ambassadeurs, et ils nous communiquent le programme des fêtes. Dans les parages de Magellan, l’état de la mer a retardé les deux bâtiments argentins qui amènent une importante ambassade et le fameux régiment des grenadiers à cheval, et ce contre-temps va reculer quelque peu une des cérémonies essentielles, l’inauguration de la statue de San Martin, le héros argentin qui, après avoir assuré la liberté de sa patrie et celle du Chili, joua un rôle capital et décisif pour l’indépendance du Pérou en joignant son armée à celle de Bolivar.

Mais nous n’avons pas à regretter ce retard, qui va alléger les journées de représentation en augmentant leur nombre. L’ambassade française, dont l’arrivée est annoncée, est attendue avec impatience au Callao, où nous allons débarquer, et à Lima. Nous trouvons sur le quai le ministre des Relations extérieures, M. Salomon, et les autorités locales, qui nous mènent à l’hôtel de ville où nous reçoit la municipalité. L’ambassade bolivienne, que conduit le docteur Abel Ituraulde, vient de débarquer en même temps que la nôtre ; nous nous réunissons, et c’est le même train qui nous emmène à Lima, qui n’est qu’à douze kilomètres de son port.

A la gare de Lima, une foule compacte acclame l’ambassade française qui s’embarque dans des automobiles trépidants. Mais au démarrage, une grande clameur sort de la foule, courtoise et impérieuse : « A pié ! A pié ! » Je comprends cet espagnol-là et j’obéis à l’invitation : me voici à pied dans la rue, avec un cortège qui se renforce constamment. La ville, populeuse, et bien tracée, est déjà pavoisée aux couleurs nationales, émaillées de quelques pavillons étrangers pour faire honneur aux hôtes du