Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 12.djvu/473

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

J’aimerais à cerner d’un trait pur le contour
De ces cheveux ondes et de ce clair visage.
Je croiserais les mains longues sur le corsage,
Et je mourrais heureux ayant fait ce portrait.
Car la jeunesse vive est plaisante sans doute.
Mais lorsqu’à tout l’éclat d’un jeune teint s’ajoute
Ce profond sérieux, signe d’un cœur secret,
Nous demeurons surpris, captifs d’un charme étrange.
La jeune fille alors se rapproche de l’ange.
On rêve que la rose éclate entre ses doigts,
Et les harpes du ciel frémissent dans sa voix.


Gracieux madrigal, où flotte le ressouvenir d’un sonnet de Musset, comme l’arôme léger qu’un parfum laisse après lui. Don Vincent a quarante ans, l’âge d’Arnolphe : il peut bien s’éprendre d’Agnès. Il tombe ainsi dans le piège que lui tendent son beau-frère Alonso et sa sœur Joséfa, pour l’empêcher de vendre le domaine et de repartir. Par amour pour cette petite qu’on jette dans ses bras, le coureur d’océans se fait terrien, le loup se fait berger.

Ce premier acte nous a ravis par son mouvement, sa couleur et sa variété. L’auteur de les Butors et la Finette affectionne ces actes d’exposition où grouille la vie extérieure. Après quoi, le drame se resserre et descend dans les cœurs. Don Vincent est devenu le mari de Béatrix ; il n’a pas su s’en faire aimer : cette fois encore « il n’a pas réussi. » Pour arracher son secret à cette âme fermée, il a recours à la ruse, à une ruse classique. Il feint d’avoir appris la mort d’un jeune officier, à qui il sait que Béatrix fut promise. C’est un truc de théâtre ; M. Porché s’est contenté de le reprendre dans le commun répertoire : il a eu cent fois raison. Nous saurions mauvais gré à cette pièce d’être plus ingénieuse ; nous lui en voudrions de détourner sur l’habileté des moyens notre attention occupée à plus haut objet. Il lui faut la simplicité des lignes. Peu importe comment Don Vincent a surpris le secret où sombre son bonheur. Ce qui importe, c’est le parti que le poète va tirer de cette révélation. Il lui doit une scène qui est peut-être, de cette œuvre toute lyrique, la partie la plus purement lyrique. C’est la scène qui termine le second acte. Don Vincent a promis au petit Miguel un récit de naufrage. Quel naufrage que celui dont il est désormais l’épave ! A la façon dont il conte ce naufrage, il se peut qu’un enfant n’y aperçoive que le déchaînement des flots et l’agonie d’un navire en détresse : il dit, lui, un naufrage moral et la détresse d’un cœur. Et