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professeur Dastre concluait de cette étude : « Tout ce qu’il m’a été donné de voir était truqué... Il est d’ailleurs extrêmement difficile de contrôler de pareilles expériences. Toutes les conditions nécessaires pour pouvoir commencer une séance sont pour ainsi dire choisies de telle façon qu’elles empêchent un contrôle sérieux. Quand le médium sent autour de lui un contrôle sérieux de ses moindres gestes, les expériences ne réussissent pas. Je ne crois donc point à la réalité de ces phénomènes étranges. » Au contraire, le professeur Richet a tendance à croire à la réalité des phénomènes. A peu près à égale distance de ses deux confrères, le professeur d’Arsonval réserve son jugement en ce qui concerne la lévitation, mais en ce qui concerne l’ectoplasme il déclare : « Quant aux phénomènes d’attouchement, d’apparition de mains ou de matérialisation, ils s’expliquent facilement par des fraudes ou des acrobaties. »

Qui aurait l’idée de mettre en balance l’autorité, la « compétence » de ces trois illustres maîtres de la science qui tous trois, par leurs découvertes, ont honoré également leur pays ? La vérité, c’est que l’argument de la compétence ne signifie rien en ces matières, puisque des gens également compétents arrivent à des conclusions divergentes. Elles ne sont d’ailleurs pas aussi radicalement inconciliables, ces conclusions, qu’on pourrait le croire a priori. M. d’Arsonval estime que les phénomènes « s’expliquent facilement par des fraudes. » M. Richet, en revanche, estime « qu’il paraît bien difficile d’attribuer les phénomènes produits à une supercherie. » Et il ajoute, avec une prudence digne d’un grand savant : « Toutefois la preuve formelle, indéniable, que ce n’est pas une fraude de la part d’Eusapia, et une illusion de notre part, cette preuve formelle fait défaut. »

Ce qui sépare en somme ces hommes éminents, c’est que la fraude paraît à l’un facile, à l’autre difficile. Différence de degré plutôt que de principe, quantitative plutôt que qualitative.

Mais puisque en ces matières, le problème fondamental est, de l’aveu même de ceux qui croient aux phénomènes, d’éviter ou de démasquer, ou de rendre impossible les truquages, il me semble qu’il y a pourtant dans ce domaine des hommes véritablement compétents : ce sont les hommes versés dans l’art de truquer, ce sont les prestidigitateurs.

Or il sied de remarquer que ceux-ci sont en général soigneusement et systématiquement écartés des séances où l’on produit les phénomènes. Parmi eux, il en est un, bien connu dans le public et qui depuis de longues années sollicite vainement d’être admis aux