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pouvoirs qu’ils demandaient et se mirent de suite à l’œuvre. Le capitaine se nomma chef de bataillon, et fit tous les sergents-majors sous-lieutenants, en attendant qu’il put entraîner dans son parti quelques officiers pour en faire des capitaines et des lieutenants. C’est au moment qu’il révolutionnait les trois casernes que je rentrai chez moi. J’y trouvai tous les officiers de mon bataillon, qui m’attendaient avec impatience, furieux, indignés contre l’audace de ces deux officiers dont la conduite, dans cette circonstance, égalait la lâcheté habituelle. Après avoir entendu leurs récits et leurs plaintes, reçu leur témoignage d’estime et d’affection, j’écrivis au général La Fayette, pour lui faire part de ce qui se passait, de la surprise qui avait été faite au général Dubourg, de la conduite honorable que tous les officiers de mon bataillon avaient tenue pendant les trois journées, et lui montrer que nous étions calomniés par deux intrigants sans influence sur l’esprit des soldats, qui avaient lâchement abandonné leur drapeau pour venir à Paris mendier un avancement qu’ils ne méritaient pas.

Un officier porta ma lettre et, une demi-heure après, je reçus l’ordre de conserver le commandement, ainsi que tous les officiers que j’avais avec moi. Je fis tout de suite mettre cette réponse à l’ordre du jour dans les trois casernes, et donner la consigne d’arrêter ces deux officiers pour les conduire à la prison de l’Abbaye.

31 juillet. — Je fus dans la matinée chez le lieutenant-général comte Roguet, nommé commandant des troupes de Paris, pour prendre ses ordres et lui rendre compte des événements intérieurs du corps. L’acte d’indiscipline de ces deux officiels le mécontenta beaucoup. Il m’ordonna de les faire arrêter. Il me demanda de lui remettre dans la soirée un rapport très circonstancié sur l’esprit et la situation de la portion de corps que je commandais, sur les magasins du régiment, sur les pertes éprouvées et sur les moyens employés pour assurer la subsistance de la troupe depuis les événements.

A trois heures, quand le travail était achevé, le lieutenant-colonel arriva de Lyon. Je le lui présentai pour le signer et le porter en sa qualité de chef de corps. Par modestie il refusa l’un et l’autre, mais ensuite, se ravisant et prévoyant que cette visite pourrait lui être utile plus tard, il m’accompagna au quartier général, place Vendôme, où logeait le comte Roguet.