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sans doute s’illustrer en assassinant de sang-froid et sans danger des compatriotes, plus Français et meilleurs citoyens qu’eux, puisqu’ils ne répondaient pas à leur attaque, et qu’ils se retiraient sans combattre. Cet acte barbare fut un véritable crime qu’on ne saurait trop anathématiser.

Après avoir passé la barrière, le régiment fut se reposer sous les ombrages du Bois de Boulogne, où les habitants d’Auteuil, sur la demande du colonel, apportèrent avec empressement des vivres. La chaleur était excessive, on était accablé de fatigues, de chagrins et de funestes pressentiments : C’était entre midi et quatre heures. Le Dauphin vint voir le régiment. Il fut accueilli froidement, le prestige avait disparu, le malheur avait passé sur toutes les têtes, si fières, si droites quelques jours auparavant. On vit un homme plus que médiocre se montrer quand le danger était passé, qui ne sut ni remercier, ni encourager. La défection commença après cette revue. On se mit en marche pour Vaucresson, en passant par Saint-Cloud, où l’on délibéra longtemps pour savoir si ou permettrait de traverser le parc, pour abréger la distance. Le régiment passa sous les fenêtres du Roi ; il était alors à dîner, ce qui fut cause sans doute qu’il ne se dérangea pas pour le voir, et saisir cette occasion de dire de ces choses qui dédommagent un peu des fatigues et des dangers courus. Cette indifférence maladroite blessa vivement les officiers qui regrettèrent alors d’avoir quitté Paris et de s’être exposés pour un prince qui ne leur en tenait aucun compte.


ADHÉSION AU NOUVEAU RÉGIME

30 juillet. — De grand matin, la majeure partie des officiers du régiment qui se trouvaient à Paris se réunirent chez moi pour prendre tous ensemble une détermination sur la conduite que nous devions tenir. Il fut résolu à l’unanimité que je me présenterais dans la matinée chez le lieutenant-général, comte Gérard, membre du Gouvernement provisoire, et au domicile de M. Laffitte, banquier et député, pour donner notre adhésion au nouvel ordre de choses, et prendre des ordres dans notre singulière position.

Chef de corps, par l’absence du colonel qui était avec les deux bataillons, et du lieutenant-colonel qui était en congé à Lyon, je dus d’abord aviser aux moyens d’assurer la subsistance