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Après 10 heures, tous les réverbères furent brisés autour de nous et il n’y eut que ceux de la place du Panthéon qui furent conservés intacts. A 11 heures, tout était tranquille. Je fis cesser les patrouilles et rentrer les détachements placés en différents lieux. Une partie de mes communications étaient interrompues ; pour les rétablir, il aurait fallu employer la force ; je m’y opposai. Mon but et mes instructions étaient de maintenir l’ordre, et non pas d’irriter cette partie de la population qui avait montré jusqu’alors beaucoup de prudence et de modération.

Un peu avant 2 heures, je reçus l’ordre de faire rentrer ma troupe dans la caserne de Mouffetard. Les hommes étaient horriblement fatigués. Ainsi se termina cette première soirée qui, si elle fut orageuse, du moins ne fut pas ensanglantée.


28 JUILLET

A 8 heures du matin, l’ordre arriva de prendre les armes, et de réoccuper les emplacements de la veille. A 9 heures, je pris position sur le péristyle du Panthéon, et envoyai des postes à tous les débouchés de la place. Je voulus aussi étendre mon influence sur d’autres points éloignés, mais l’insurrection faisait tant de progrès, les intentions devenaient si hostiles, que je dus, pour ne pas exposer inutilement la vie de mes hommes, renfermer mon action défensive au terrain que j’occupais.

Peu d’heures après, les bandes insurrectionnelles devinrent plus nombreuses, plus arrogantes, plus hideuses en quelque sorte par leur monstrueuse composition. Elles étaient toutes armées de fusils d’infanterie, ou de chasse, qu’on avait pris dans les dépôts de la garde nationale, aux mairies, ou chez les sergents-majors qui les conservaient depuis le licenciement en 1827 ; d’autres provenaient de la troupe qu’on avait désarmée dans les portes ou des pillages exécutés chez les armuriers de Paris. Ceux qui n’avaient pas de fusils étaient armés de pistolets, sabres, fleurets démouchetés, haches, faulx, fourches ou bâtons ferrés. Des drapeaux, noirs ou tricolores, apparaissaient avec des inscriptions incendiaires. Des vociférations, des provocations, des menaces, des cris sinistres, se faisaient entendre dans toutes les directions, mais toujours à des distances respectueuses de la troupe. Calme et majestueuse dans sa force contenue, celle-ci