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leur bon goût, la recherche dans la composition de leurs toilettes et l’art de les bien porter.

Avant de passer à un fait personnel, je veux tout de suite noter comment, le 9 novembre 1827, le régiment prit les armes pour assister à la translation des restes des ducs de Lorraine, dont les nombreux tombeaux avaient été violés et dispersés pendant la tourmente révolutionnaire. Ces poudreux débris avaient été jetés dans une fosse d’un des cimetières de la ville. Ils furent recueillis avec soin et portés à la cathédrale où ils reçurent les honneurs dus à leur rang et à leur mémoire. Une chapelle ardente y présentait un aspect imposant, aussi curieux par l’éclat ides tentures et des lumières que par son caractère religieux. Tous les officiers de la garnison, le général à leur tête, furent jeter de l’eau bénite sur les cercueils et les urnes, qui contenaient les cendres de tant de princes lorrains, dont quelques-uns avaient joui d’une grande célébrité. Le lendemain, la translation fut solennelle, majestueuse, aussi religieuse que militaire. Le roi de France, l’empereur d’Autriche s’y étaient fait représenter par des ambassadeurs. La foule était immense et recueillie. Dans la chapelle ronde ou ducale, disposée pour recevoir les débris de tant de grandeurs, on avait envoyé de Paris les tentures qui avaient servi aux obsèques de Louis XVIII. Je n’avais rien vu jusqu’alors qui put être comparé à la magnificence et à la majesté de cette décoration. Cette chapelle ronde, réparée et embellie, était celle des anciens ducs dont le vieux palais existe encore, et sert maintenant de caserne à la gendarmerie. Un caveau construit exprès pour recevoir tous les ossements, et des monuments élevés dans cette enceinte pour perpétuer la mémoire des plus illustres princes de cette célèbre maison de Lorraine, font de cette chapelle déjà remarquable par son architecture un lieu plein de vénération.

Un discours ou sermon de l’évêque Forbin-Janson, dirigé contre la Révolution et la philosophie, termina mal cette pompeuse cérémonie. Il fut vivement censuré parce qu’il était indigne d’un chrétien et d’un homme qui est censé avoir de l’esprit et du jugement. C’est en grande partie la cause des disgrâces que l’évêque eut à subir après la Révolution de juillet. Chassé de son diocèse par le peuple, il est mort sans en avoir repris possession, la prudence n’ayant pas permis au Gouvernement de l’y autoriser, car la haine qu’on lui portait demeurait toujours vivace.