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de ce nombre. On pense si cette mesure inique déplut à tous les officiers qui la subirent ! Pour mon compte, elle me contraria beaucoup, car je n’étais guère dans ce moment en position de supporter les frais d’un voyage aussi inattendu. Je m’en retournai en Auvergne.


CHEZ L’ARCHEVÊQUE DE BORDEAUX

Mais ce n’était que l’annonce d’un plus grave ennui. Proposé pour le grade de chef de bataillon et pour la croix de Saint-Louis, Barrès est cruellement affecté, en décembre 1820, par la nouvelle de sa mise en demi-solde. « J’étais loin de penser, écrit-il, qu’une semblable mesure pût jamais m atteindre, après de si grands services. » Le 26 décembre, il cesse de figurer sur les contrôles, et quitte avec chagrin un corps où il avait mérité « l’amitié et l’estime de tous. » Cette mise à l’écart ne fut heureusement pas de longue durée. Eclairé par un entretien où Barrès s’est disculpé des accusations portées contre lui, le général Vautré le réintègre bientôt dans son grade, au 15e régiment d’infanterie légère (légion des Pyrénées orientales). Barrès se met en route vers Périgueux, et s’arrête pendant le trajet, à Bordeaux pour voir son frère :

A Agen, trois voyageurs montèrent dans la diligence, l’un très partisan du magnétisme, un autre très verse dans la littérature anglaise et enthousiaste de lord Byron et de Walter Scott dont j’entendais parler pour la première fois, et le troisième un rédacteur en chef d’un journal libéral de Bordeaux, qui s’était rendu à Agen pour prier le préfet de ne pas lui faire l’honneur de composer un jury exprès pour lui, vu qu’il se contenterait de celui qui serait chargé de juger les assassins et les voleurs. Il était poursuivi pour délit de presse, pour avoir demandé la démolition de la fameuse colonne du 12 mars qui était une insulte à la France. La conversation très spirituelle de ces trois hommes me fit supporter agréablement l’ennui d’un long séjour en lourde diligence.

Après avoir pris un logement, je fus à l’archevêché voir mon frère aîné, vicaire général. Il avait été successivement élève de l’École normale et professeur de littérature à l’École centrale. Sous l’Empire, il avait été deux fois candidat au Corps législatif, et chevalier de la Légion d’honneur. En 1817, alors