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selon lesquelles sa race s’oriente, en des gestes communs et répétés, durant ce progressif cheminement de deux siècles.


IV. — LA POUSSÉE DU PASSÉ ET LES GERMES NOUVEAUX

Et maintenant, de cette préhistoire de Bossuet, quel parti se peut tirer pour le mieux comprendre et le mieux juger ?

Que, de ces manières d’être, plusieurs, la plupart si l’on veut, aient pu, aient dû se fondre en lui par le sang transmis, cela est hors de doute. Et que, même, toutes, elles dussent aboutir à une intensité particulière chez les derniers venus de la lignée déjà longue, on ne peut guère ne pas l’admettre quand on apprécie ces deux faits : d’une part, la pureté, conservée deux cents ans, d’une race qui ne s’entretint que par des mariages « dans le pays, » et où le sang des gens de « la Duché » ne reçut d’autre mélange que des voisins de « la Comté, » analogues et amis ; d’autre part, ce qu’il y avait eu de continûment permanent dans les actes de ces précurseurs. Car si quelque chose saute aux yeux dans cette galerie, où les trous abondent, de portraits troués eux aussi, c’est la ressemblance notable qu’elles ont entre elles, ces ombres successives. Peu ou point d’individus disparates prétendant « vivre » chacun « leur vie » au gré de leur « sens propre, » comme disait plus tard si souvent, en un sens péjoratif, Bossuet théologien : c’est un défilé d’êtres, inégaux mais semblables. Point de fantaisies en ces familles, de la fusion desquelles sa propre famille s’est faite ; point de sautes et d’exceptions épisodiques et surprenantes, comme en certaines lignées normandes, gasconnes, auvergnates, où, au contraire, des « types » extraordinaires surgissent bizarrement, où de petits bourgeois de petites villes, ou des ruraux placides, tout à coup, sous on ne sait quel souffle, quittent le siècle, s’en vont par le monde, missionnaires ou anachorètes imprévus. Eux, ces Bourguignons, dans les voies une fois adoptées, ils s’emboitent le pas de génération à autre. Et de même que leurs buts restent fixes, et que leurs résultats s’accumulent, leur effort aussi, à travers les ouvriers qui se remplacent, dure pareil. Au long de deux siècles, dans leurs emplois, leurs acquêts, leurs qualités mentales, leur