Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 12.djvu/372

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

député à ces États-Généraux de France où la nation fit connaître pour la dernière fois à la Monarchie ses volontés et ses besoins. Donc, du côté de Marguerite Mochet, toute une tradition glorieuse, soit dans la robe, soit dans l’armée, mais ici, semble-t-il, avec un excédent, si l’on peut dire, d’esprit militaire.

Du côté du père de Bossuet, c’est en 1428 que nous trouvons le premier ancêtre dont mention soit restée aux pièces d’archives. Et c’est en cette ville de Seurre, ville commerçante dont les bois, vins et blés d’alentour alimentent le trafic batelier sur la Saône, ville fortifiée qui commandait l’entrée de la Bourgogne. A cette date, le premier Bossuet de l’histoire donne un pré aux chapelains de Seurre pour fonder une messe anniversaire. Son surnom, Rouhier ou Rouyer, indique qu’il est ou que l’un de ses ascendants fut charron. Vingt-deux ans plus tard, deux autres Rouyer, des collatéraux probablement, figurent, l’un dans un contrat, l’autre dans une nouvelle fondation de messe. Dix ans après, en 1460, l’un des Bossuet, Jacquot, gravit un échelon social : il se fait recevoir bourgeois. « Il devait jouir d’une certaine fortune, » si l’on en juge par le chiffre de sa patente [1].

Ce qu’il y a de certain, c’est qu’à la fin du XVe siècle, les Bossuet ont à Seurre trois « feux, » trois maisons. En même temps, ces enrichis de la glèbe ou de l’outil sortent de l’ignorance. En 1496, les gens de Seurre firent composer pour eux et représenter chez eux le noble Mystère de monsieur saint Martin, patron de leur église ; avec quelques autres bourgeois et nobles de l’endroit, les « Rouyer-Boussuet » y tiennent des rôles [2] ; et, cela, comme leurs compagnons, de façon si faraude et gaillarde, constate le procès-verbal retrouvé de nos jours, — « qu’oncques lion en sa tanière ne meurtrier en ung bois ne furent jamais plus tiers qu’ils estoient en jouant. » Leur verdeur agreste, enhardie, se campe sans gêne dans « l’intellectualité. »

  1. L’abbé Thomas, passim, spécialement pp. 12 à 16.
  2. Voir ce texte et quelques détails dans Petit de Julleville, les Mystères, t. II, p. 61-73, 539-541 ; les Comédiens en France au Moyen âge, p. 262-291 ; et dans Ernest Serrigny, la Représentation d’un mystère, à Seurre en 1496 ; voir aussi l’abbé Thomas (pp. 23-29. Jacques remplit, le premier jour, le rôle du prêtre catéchiste qui convertit saint Martin ; le second jour, le rôle de l’Official de Tours qui le déclare élu de Dieu. Etienne Bossuet fit d’abord la mère de saint Martin, enclave païenne, et ensuite le prince Tétradius, idolâtre.