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LA
PRÉHISTOIRE DE BOSSUET

Pas plus pour Bossuet que pour la plupart des personnages éminents du passé, ni les origines ancestrales, ni le milieu familial et les commencements de la vie ne sont assez connus au gré de la curiosité moderne, qu’intéressent l’éclosion et la formation des hommes supérieurs en ce qu’elles ont d’inexpliqué comme en ce qu’elles ont de logique. A plus forte raison, au gré des chercheurs exigeants qui, avec Sainte-Beuve et Stendhal, Taine et Renan et les psychologues contemporains, rêvent de monographies si précises qu’elles pussent fonder une « histoire naturelle des esprits. »

Pourtant, en ce qui concerne Bossuet, à cette carence ordinaire et inévitable de documents initiaux, on avait, dès avant sa mort, essayé de parer. Le secrétaire qui lui fut donné en 1684 par les Bénédictins dom Germain et dom Mabillon, et qui resta auprès de lui les vingt dernières années de sa vie, l’abbé Le Dieu, eut bien le sentiment qu’il frôlait « un grand homme, » et l’ambition de « recueillir, » avec une exacte piété, « les moindres circonstances » propres, comme il dit, « à orner une si belle vie. »

Il le fit de son mieux, pour autant que le lui permirent et sa situation chez le prélat et l’insouciance du grand homme à parler de lui-même et à soigner sa gloire. Devinant les desiderata de l’avenir sur les « commencements, » Le Dieu parvint à ramasser, rien que pour la période de 1627 à 1668, la matière de cent vingt pages du Mémoire qu’il écrivit à la mort de son maitre. Malheureusement le dévoué secrétaire ne trouva