Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 12.djvu/260

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

le parti démocratique, et elle y réussira peut-être. Mais ce qu’elle ne voit pas, c’est que la victoire ne sera pas pour elle. La France est monarchique ; elle n’est pas droitière. Aucun militaire n’est en mesure d’exercer la dictature pour son compte, en son nom ; aucun ne se souciera de l’exercer pour l’Assemblée ; donc le militaire, maître de la situation, jouera au Monck ; or ce ne sera ni pour Henri V, ni pour les Orléans. Tout cela est dans l’hypothèse où la droite réussirait à forcer M. Thiers à la retraite ; ce qui est probable, mais pas sûr.

Je prie Votre Altesse de croire à mes sentiments les plus affectueux, et les plus respectueusement dévoués.

E. R.


Paris, 1er janvier 1873.

Monseigneur,

Que Votre Altesse me permette, par ces lignes, les premières que je trace au début de cette mystérieuse année, de lui présenter, ainsi qu’à Mme la princesse Clotilde, des souhaits dont elle connaît la sincérité. La philosophie de Votre Altesse est trop ferme et trop élevée pour qu’Elle pût accepter d’autres vœux que ceux que comportent la nécessité des temps étranges où nous vivons, et le bien du pays. Naïve à sa manière, mais très vraie assurément, est la théorie de l’Evangile, sur la prière, interdisant de demander au Père céleste ceci ou cela, et voulant que l’on dise seulement : que ta volonté soit faite. La crise que traverse notre pauvre pays ne fait que s’aggraver. La trêve n’est qu’une apparence ; les diverses fractions de l’Assemblée opposées à M. Thiers pour des motifs très divers, sont plus décidées que jamais à réduire sa présidence à un vain titre, ou à provoquer de sa part une démission qui serait sur le champ acceptée. Peu de personnes dans la droite comprennent que c’est là une politique des plus superficielles, puisque l’armée dont on se servirait pour faire des réactions blanches, ne ferait pas ces réactions pour les beaux yeux de l’Assemblée, étirait au delà à une restauration monarchique dont la grande majorité de l’Assemblée ne veut pas. Il se peut que M. Thiers remporte la victoire, c’est-à-dire obtienne une majorité d’une vingtaine de voix, qui lui permette d’enlever, dans un moment d’embarras, un renouvellement partiel qui lui donnerait ensuite une majorité suffisante ;