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aujourd’hui elle est nette, et j’attends dans ma solitude.

Je vous suppose rentré à Paris avec Mme Renan, pour votre cours au Collège de France. Je n’ai pas cru un mot de ce que les journaux ont publié sur vos paroles au Cercle Cavour, mais je voudrais bien les connaître et les lire. Ne pensez-vous pas que le temps que vous étudiez et allez nous montrer dans votre prochain volume, l’établissement de l’Empire romain, a une ressemblance avec notre état en France ? Je ne fais aucune allusion au rétablissement de l’Empire, non certes, mais à l’état de trouble, de décomposition de la société romaine à cette époque, à sa démoralisation : tout cela ressemble à chez nous. Il y a un tableau de Rome, à la chute de la République, dans cet ennuyeux Mommsen, qui m’a beaucoup frappé.

Ma cousine Julie m’a écrit tout son enchantement de vous avoir chez elle ; je l’envie : quelles promenades, quelles causeries dans ce cadre, sur cette terre, dans ces souvenirs, aujourd’hui surtout que, pour penser à ce que l’on aime, il faut regarder en arrière, car l’avenir est trop triste ! Je ne partage pas l’avis de Dante, non, il y a de la jouissance, triste souvent, mais attachante, dans les souvenirs : toutes les illusions que l’on sème sur cet aride chemin que laisse derrière vous le temps, vous les retrouvez un peu, en regardant dans le passé.

Le trouble de Paris, qui me semble assez grand, vous laisse-t-il le loisir de bien travailler ?

Je ne crois pas que nous touchions encore à la crise finale ; il s’écoulera encore quelques mois, et puis, la. nouvelle catastrophe rouge, et puis ! Dieu le sait, et peut-être aussi nos ennemis les Prussiens !

Je vous serre bien affectueusement la main, mon cher M. Renan, l’ami des mauvais jours, encore plus que des bons.


A S. A. I. le prince Napoléon.


Paris, 6 décembre 1872.

Monseigneur,

Nous ne sommes rentrés à Paris que lundi dernier, 2 décembre. Nous avons tiré la corde le plus possible : rentré à Paris à sept heures du matin, j’ai fait mon cours à deux heures de l’après-midi. Je tenais essentiellement à ne pas être en