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de Louvain, se rendit à Bruxelles ; et c’est là qu’il donna le nom de la Jeune Belgique à une Jeune revue littéraire qui avait d’abord été la Chrysalide.

Si la Jeune Belgique eut tant d’influence et marque l’éclatant début de la littérature belge, il faut accorder au moins quelque louange à ce jeune homme qui eut la vie courte et fervente, Max Waller, mort à vingt-neuf ans, après avoir dépensé plus d’activité, bravé plus de périls, goûté plus d’amitié, provoqué plus de rancune et agi, somme toute, avec plus de fière imprudence que personne. Il a laissé un recueil de poèmes charmants, où le badinage est tendre et la gaieté un peu triste, où il y a de l’habileté, de l’esprit, de la gentillesse et du cœur.

La Jeune Belgique avait pris cette devise : « Soyons nous ! » qui a bien l’air d’affirmer une volonté, comme on dit, nationaliste. Ces jeunes gens ne s’étaient-ils pas résolument promis de créer une littérature belge ?

Ce n’est pas l’avis de M. Dumont-Wilden ; il y a là dit-il, une équivoque : « Dans la suite, quelques initiateurs du mouvement crurent peut-être entrevoir la possibilité de fonder une littérature belge qui, s’exprimant en français, n’en eût pas moins été réellement autonome ; mais, au moment où, jeunes étudiants de Louvain ou de Bruxelles, ils rêvèrent pour la première fois d’accéder au Parnasse, ils ne donnèrent pas à leur titre une signification aussi ambitieuse... » Pourtant, ce titre de la Jeune Belgique et la devise ?... Eh ! répond M. Dumont-Wilden, de jeunes poètes de Marseille ou de Rouen appelleraient semblablement leur petite revue la Jeune Provence ou la Jeune Normandie ; ce n’est, tout au plus, que du régionalisme... Je le veux bien : seulement, le régionalisme d’une nation, c’est, après tout, ce qu’on appelle nationalisme.

M. Dumont-Wilden argumente. Rien de moins « national », dit-il. que les premiers essais, poésie ou prose, des fondateurs de la Jeune Belgique. Poètes, ils commencent par imiter Baudelaire, Leconte de Liste, Théophile Gautier, Banville, les Parnassiens. Prosateurs, ils prennent pour maîtres nos réalistes, Flaubert, les Goncourt, Zola, Daudet, Maupassant. Drôles de nationalistes, qui d’abord se mettent à l’école de l’étranger !... M. Dumont-Wilden consent que, dans les années suivantes, lorsque leur talent se fut affermi, ces jeunes écrivains de Belgique se montrèrent plus différents de leurs maitres : « et ces différences se manifestent toujours dans le même sens : elles ne sont pas bien profondes, mais elles sont incontestables et elles