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la poursuite de l’ennemi, il le refoula en direction de Novorossiisk, qu’il occupa également, mais sans s’y arrêter : ce n’est qu’à la « frontière » géorgienne près de Gagre qu’il mit terme à ses brillants succès ; et encore ce n’était pas de sa faute !

Ainsi, en deux mois, la deuxième campagne du Kouban, commencée le 10 juin 1918, amena notre armée aux bords de la Mer-Noire. Toute la partie Nord et Ouest de la région du Kouban était libérée.


XIII. — LA DERNIÈRE ŒUVRE DU GÉNÉRAL ALEXÉIEFF SUR LA TERRE

Lorsque le général Alexéieff entreprit la tâche de créer l’Armée, il dit à ses proches : « C’est ma dernière œuvre sur la terre. »

Sa santé était plus que chancelante : malade des reins, il était en réalité hors d’état de supporter les fatigues et les privations de la campagne du Kouban ; les soucis et le surmenage hâtèrent sa mort qui survint le 25 septembre de notre style (8 octobre du style nouveau).

Le nom du général Alexéieff était bien connu à l’étranger, chez les alliés comme chez nos ennemis.

Dès le début de la guerre, nommé immédiatement chef d’état-major au front Sud-Ouest, c’est Alexéieff qui prépare le brillant début de nos opérations en Galicie, lorsque nos armées marchent jusqu’aux Carpathes, ayant pris Przemysl et menaçant Cracovie. Lorsque les affaires se gâtèrent au front Nord, il eut mission de sauver l’armée : il parvint à la conduire sur la Dvina où s’arrêta définitivement l’élan de l’ennemi.

Quand l’Empereur résolut d’assumer personnellement la charge du commandement suprême, Alexéieff fut nommé chef de son état-major : de fait, c’est à lui qu’incomba tout le poids du commandement.

La Révolution l’installe d’abord dans les fonctions de généralissime ; mais le relâchement de la discipline, les comités et les soviets des soldats lui répugnent : il donne sa démission.

Ma première rencontre avec lui eut lieu en 1015, à Siedletz où se trouvait alors l’état-major de l’armée du Nord-Ouest. Je le trouvai dans une petite pièce, toute tapissée de cartes et de plans, qui lui servait de bureau.

Il prévoyait de grands déboires. Sans munitions, sans une