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rien à la Germanie. C’est sur le sol de la vieille Gaule fécondé par la conquête romaine que fleuriront les premiers chefs-d’œuvre du Moyen-âge. Mais auparavant sept siècles s’écouleront, sept siècles enveloppés de ténèbres.

De l’architecture mérovingienne on sait peu de chose, mais on sait que la plupart des constructions romaines ne furent point détruites par les Barbares qui s’y installèrent et les entretinrent tant bien que mal. Des temples furent alors transformés en églises, des amphithéâtres en forteresses. En revanche, quelques bibelots admirablement travaillés et qui datent de cette période ont été recueillis dans nos musées : il y eut alors des joailliers et des orfèvres d’un goût délicat et d’une habileté surprenante. C’est dans ces ouvrages raffinés qu’on a voulu voir l’éveil du goût « barbare. » Mais quand on les regarda et étudia de plus près, il fallut bien les restituer à leur véritable patrie d’origine : Byzance ou la Perse. « La décoration germanique était en réalité une décoration orientale, et ce qu’on avait pris pour l’ouvrage du noir Alberich, c’était le présent de l’aurore, le caprice du génie persan. »

La même obscurité règne sur les temps carolingiens. Mais le décor des étoffes et des bijoux, comme la forme des premières églises révèle que l’influence orientale va toujours grandissant. Le plan de la Chapelle palatine d’Aix-la-Chapelle, tel qu’on peut le reconstituer, après tant de remaniements et de restaurations, est emprunté aux églises circulaires d’Asie-Mineure. M. Gillet a fait une vivante peinture de la pénétration de l’Orient en France grâce aux trafiquants juifs ou syriens et grâce aux pèlerins des Lieux Saints. Il a énuméré et décrit les rares œuvres d’art des sept ou huit siècles qui se sont écoulés de la chute de l’Empire romain à la fin de l’Empire de Charlemagne. « Pendant cette longue période, conclut-il, la France n’est pas parvenue à un art original. Elle a fait mieux ; elle a sauvé la civilisation. Elle assimila les Barbares. Elle garda la tradition. Elle réussit même à l’enrichir, y ajouta (ou y réintégra) le monde oriental. Elle écoute, elle reçoit, elle accueille, elle choisit les fils dont elle composera son œuvre. Elle fait son métier de France. »

Elle continue de le faire, lorsqu’aux environs de l’an mil, elle se couvre d’innombrables églises, toutes bâties sur le plan basilical. C’est dans son héritage latin qu’elle trouve les principes