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un de ses plus actifs propagandistes : « La puissance des royalistes et séparatistes », — toute réserve est à faire sur ce dernier qualificatif, — « du Sud de la Bavière est telle que, sans résistance appréciable, ils pourraient, d’un moment à l’autre, proclamer la restauration de la monarchie et même l’annexion du Tyrol et de Salzburg... Dans les cols des Alpes, ils possèdent assez de dépôts d’armes... La Reichswehr et la police de sûreté sont avec Ludendorff : il ne faut pas compter sur une sérieuse opposition de la bourgeoisie. » D’ailleurs, si le Gouvernement de Berlin a mis tant de formes et pris tant de précautions dans sa lutte avec Lerchenfeld à propos des lois de défense de la République et s’il a finalement capitulé, c’est qu’au fond, il partage, lui aussi, cette opinion ; il a évité le pire.

Mais, dira-t-on, puisque la victoire est assurée, au moins en Bavière, pourquoi Ludendorff ne livre-t-il pas bataille ? D’abord, tout s’accorde à faire penser qu’à une certaine époque, le jour de l’attaque était fixé, 28 juin, lorsque survint l’assassinat de Rathenau, en admettant que ce meurtre n’ait pas lui-même marqué le début des hostilités actives. Alors on a dû donner contre-ordre. Le spectacle offert par le reste de l’Allemagne a paru montrer, en effet, qu’au premier succès, nécessaire mais insuffisant, il serait probablement plus difficile qu’on ne l’avait imaginé d’en faire succéder d’autres.

Depuis ce moment, le parti monarchiste bavarois et plus généralement allemand, bien qu’il n’ait qu’un chef, est divisé en deux fractions : l’une, celle des violents, pousse à une action immédiate ; l’autre, celle des modérés, veut attendre encore, développer ses moyens et augmenter ses troupes avant de se lancer dans l’aventure. Les extrémistes de droite appartiennent naturellement à la première fraction. Ce sont les plus dangereux adversaires de la République allemande, parce que, dédaignant l’arme actuelle de leurs coreligionnaires politiques, la persuasion, ils veulent attaquer tout de suite et sont par conséquent obligés de se préparer dans l’ombre. La plus puissante de leurs sociétés secrètes est la fameuse organisation « Consul » dont il a tant été parlé à propos du meurtre de Rathenau, et dont Escherich a tenu dernièrement à se dégager, preuve du passage aux modérés du trop célèbre forestier.

Sans vouloir faire de prédiction, chose toujours dangereuse, on peut avancer, en effet, que von Kahr et Escherich sont