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il doit être déchiré et jeté aux pieds de nos adversaires. »

Et tout cela se passe dans le temps même où les fêtes régimentaires succèdent à d’autres fêtes régimentaires. En l’espace de quelques jours seulement : fête des anciens gardes du corps ; assemblée générale de soixante-neuf sociétés d’officiers qui votent leur rapprochement, par régiment, avec les associations de sous-officiers et de soldats ; fête commémorative des troupes de communications ; grande manifestation en l’honneur de la marine. Dans toutes ces occasions, le traité de Versailles est copieusement honni et la République ouvertement bafouée !

Ce n’est pas tout. Les anciens du 1er régiment d’infanterie défilent au pas de parade devant les princes Ruprecht et Alphonse ; ils applaudissent à tout rompre d’ex-généraux qui célèbrent leur participation à la guerre, vantent leur fidélité à la monarchie et insistent sur l’impérieuse nécessité de restaurer l’ancienne armée allemande. Les soldats de l’ancien 20e régiment d’infanterie se réunissent pour faire honneur au prince François, lequel compte à leur association et protège la ligue des officiers ; ils s’entendent prédire par un colonel de naguère qu’ils seront encore dans l’avenir « un sujet d’effroi pour l’ennemi. »

Telle est la Bavière d’aujourd’hui. Si incomplet qu’il soit, le tableau suffit cependant pour donner une idée de l’atmosphère qu’on respire à Munich et pour faire présumer des opinions comme des occupations de ceux qui, libres de leur choix, viennent là faire une cure et chercher l’air le plus favorable à leur santé politique.


II. — LUDENDORFF ET LA RÉPUBLIQUE

Ludendorff est un de ceux qui profitent de la villégiature munichoise. Que fait-il à Munich ? A l’en croire : la guerre au bolchévisme, rien de plus. La guerre au bolchévisme est en effet le leit-motiv de toutes les déclarations qu’il fait aux journalistes étrangers. A son sens, le bolchévisme, s’il n’est vaincu, submergera l’Europe. Or, il ne sera vaincu et la Russie ne sera restaurée, — la résurrection de cette Puissance, intimement liée à la disparition de ses maîtres actuels, commande l’équilibre économique de notre continent, — que si les grandes nations, et notamment l’Angleterre, la France et l’Allemagne, se liguent contre leur commun adversaire. Seulement, cette entente,