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passe. Il dénonce, chemin faisant, le « vol » de la Silésie, puis, abordant le sujet même de sa conférence, il brosse un terrifiant tableau des méfaits commis par les troupes dites « noires » en pays rhénans ; s’aident de statistiques soi-disant officielles, il énumère complaisamment les vols, les viols, les meurtres qui leur sont imputés ; il étale les dangers que font courir à la population les tares physiologiques et les maladies endémiques des troupes exotiques ; il insiste sur l’ignominie de l’administration française qui jette à la rue d’honorables et paisibles familles allemandes, pour installer à leur place des maisons publiques dont, suprême impudeur, elle met l’entretien à la charge du Gouvernement allemand.

Le thème est bien connu, mais la fréquence de son usage, nos démentis, les publications d’enquêtes menées par des alliés ou même des neutres, l’absence de troupes réellement noires sur le Rhin, rien n’en affaiblit l’action sur les auditoires allemands. Ce jour-là chaque période du discours est scandée par des applaudissements, des cris de haine, des vociférations et des injures contre la France. L’orateur excite lui-même son public par de grossières saillies et finit par déclarer que les frères allemands de Rhénanie ne peuvent pas plus longtemps demeurer dans la souffrance, et qu’il faut immédiatement voler à leur secours. Le président, qui sait cependant bien que la réunion n’a été autorisée que sous la réserve de garder la forme d’une manifestation en faveur de l’hygiène publique (?), renchérit sur l’orateur, propose « au nom de la race blanche et de la civilisation » et fait adopter une motion de flétrissure contre la France. A la sortie, on chante la « Garde au Rhin, » « l’Allemagne au-dessus de tout, » et l’on part en cortège, manifester devant les hôtels habités par les membres de la commission de contrôle interalliée. La police locale arrive, mais reste inerte ; pour une circonstance aussi peu intéressante, ses officiers n’ont pas daigné l’accompagner. Certains agents encouragent même les manifestants : « N’hésitez pas à frapper fort ! Sortez cette engeance ! Nous ne ferons rien contre vous ! » La police d’État finit par intervenir, car le cas pourrait s’aggraver et le Gouvernement encourir des responsabilités. Nul doute que sans cette circonspection, la bande des énergumènes du cirque Krone ne se serait livrée aux pires extrémités contre les représentants alliés.

Au cours du mois de juin, d’autres cas analogues se produisent,