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mais on mit à la tête du Gouvernement un von Kahr, réactionnaire avéré, dont le premier soin fut d’instituer l’état de siège, afin d’être mieux à même de réprimer toute tentative, — qu’elle s’exerçât par la parole, par l’écrit ou par l’action, — en faveur du régime disparu. Armée et police, sérieusement reconstituées, se mirent naturellement à la dévotion du nouveau pouvoir. Les troubles d’ailleurs ne présentèrent aucune gravité ; ils furent d’autant moins sérieux que, dès le début de son administration, von Kahr avait su faire usage d’arguments assez frappants pour décourager les récidives.

Cependant, un beau jour, le Gouvernement de Berlin, harcelé par ses socialistes, s’aperçut que l’état de siège, disparu du reste de l’Allemagne avec les circonstances qui l’avaient justifié, demeurait toujours appliqué en Bavière. Il fit à Munich des observations. La fraction la moins fanatique du parti réactionnaire bavarois, désormais assez fort pour faire lui-même sa police conservatrice, comprit que l’état de siège, gênant à certains égards pour tout le monde, lui était inutile. Elle en accepta donc la suppression, malgré l’opposition des monarchistes intransigeants [1]. Von Kahr, qui trouvait le moyen commode, refusa de s’en dessaisir et donna sa démission. L’opération une fois faite, on lui offrit de nouveau le ministère qu’il refusa pour accepter de devenir préfet de Haute-Bavière, la province la plus conservatrice de tout le pays.

Avec le comte Lerchenfeld, dont l’étiquette politique était de même couleur, mais moins accentuée que celle de son prédécesseur, les choses continuèrent à marcher comme auparavant, l’état de siège excepté. Le nouveau chef du Gouvernement resta forcément prisonnier des mêmes hommes dont von Kahr inspirait les actes, les anciens ministres de ce dernier étant à peu près tous demeurés en fonctions. Sur six, quatre appartenaient au parti populaire ou « populiste, » c’est-à-dire nationaliste et monarchiste ; un seul était démocrate ; celui de l’Intérieur était tout dévoué à son ancien chef ; quant à celui de la Justice, — si paradoxal que cela puisse paraître, — il était le protecteur attitré des sociétés plus ou moins secrètes qui s’épanouissent librement en Bavière.

  1. Notamment le parti de Ludendorff qui entrevoyait la possibilité de faire de von Kahr, victorieux du Reich à Munich, un chancelier de l’Empire.