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Ce qui fait la grandeur du Vatican, c’est le vieillard en robe blanche qui porte sur ses épaules fatiguées le poids d’une tâche surhumaine. Ses traits sont marqués par la souffrance ; sa main qui bénit est effilée, amaigrie. Un feu brille dans ses yeux creusés. Quand apparaît le successeur de Pierre, on oublie le décor, et le lieu, et l’entourage ; on ne songe plus aux antichambres ni aux gardes, ou l’on s’étonne d’avoir pu y songer ; toutes les préoccupations qu’on avait apportées jusqu’au seuil s’effacent et s’évanouissent, comme si elles se consumaient à la flamme de l’esprit.


A LA FONTAINE DE TREV1

Le charme de Rome conserve sa puissance. Gardons-nous d’imiter ces dilettantes qui, ne retrouvant plus l’exacte qualité de leur plaisir, déclarent qu’il n’y a plus de plaisir possible. Qui ne sait que la vie romaine a perdu de son nonchaloir ; et qu’elle est devenue plus difficile et plus dure ? Pourtant, son rythme s’est moins accéléré qu’à Paris, à Londres, ou à New-York. Jouissons de cette différence, qui nous laisse encore une marge entre ce qu’elle était hier, et ce que nous retrouverons demain. Et puis, la Ville Éternelle renferme des îles heureuses où il suffit d’aborder pour oublier toutes les tempêtes. Les batailles entre fascistes et socialistes n’émeuvent pas les ruines du Forum ; elles n’empêchent pas le lierre de pousser sur les marbres du Palatin ; elles ne troublent pas l’harmonie des buis, des roses, et des pins parasols, sveltes et graves, qui parent les jardins de la Villa Médicis ; leur écho n’ébranle pas les murs du Colisée. Nulle part au monde la nature ne donne une leçon : de sérénité plus olympienne, l’histoire une plus sûre leçon de sagesse. Dès qu’on revoit ces lieux sacrés, on est repris par le charme de Rome.

Sur le point de les quitter, si vous voulez y revenir un jour, il y a un rite qu’il faut remplir. Allez à la fontaine de Trevi ; celle-là et non pas une autre, parmi les eaux jaillissantes qui épandent dans toute la ville leur murmure et leur fraîcheur. Pour nouer le lien mystérieux qui attachera votre âme, il vous est facile de provoquer vous-même l’enchantement. Vous vous arrêtez devant la fontaine, vous prenez une monnaie et vous la lancez dans la vasque. Ainsi vous aurez accompli le sacrifice qui vous vaudra le retour ; vous serez désormais sous le charme ;