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LE PALAIS FARNESE ET SON HOTE

Il n’aura pas son effigie sur les cartes postales ; on ne le montrera pas, dans les histoires illustrées, caracolant sur un cheval fougueux ; les rues ne porteront pas son nom. Et cependant, M. Barrère n’en est pas moins un des grands capitaines de la guerre. Jouons au petit jeu des questions : si l’Italie était restée l’alliée de l’Allemagne ? Si elle était restée neutre, c’est-à-dire si elle s’était enrichie en ravitaillant l’Allemagne de tout son pouvoir, que serait-il arrivé ?

Or, quand M. Barrère vint s’installer au palais Farnèse, Dieu sait si la France et l’Italie paraissaient destinées à s’allier un jour ! Des rues étroites qui débouchent sur la place de l’ambassade, on voyait paraître de temps à autre de petites troupes, généralement armées de tomates, que les carabiniers dispersaient aussitôt qu’elles avaient terminé leur manifestation. A ces signes, il était difficile de reconnaître une sympathie marquée. L’ambassadeur eut son idée stratégique : il pensa qu’il n’était pas possible que les deux pays fussent ennemis ; il pensa que les faits eux-mêmes avaient tort, et que la réalité n’était pas vraie. Il n’est pas toujours facile de ramener les choses qui sont, à ce qu’elles devraient être : c’est pourtant cette bataille pour l’idéal que M. Barrère voulut tenter. Il comprit l’instinct profond qui, en Italie, travaillait pour la France, parce qu’il portait en lui un instinct profond qui travaillait pour l’Italie. Rome le jugeait trop Français, et Paris trop Italien : fort bien. Pendant des années, il lutta. Sa tactique était simple : la droiture. Si le mot de diplomatie (on dit même, aujourd’hui, « la vieille diplomatie ») évoque l’idée de manœuvres, de compromissions, d’habiletés menues, ce mot ne convient pas à M. Barrère. Il eut Loyauté comme devise. Il est de la liguée des Foch : il est, comme lui, un caractère, un homme. Un homme qui sait vouloir, mais qui n’ignore rien des tendresses humaines, et qui est aimé parce qu’il aime.

M. Barrère a grande allure ; si le mot distingué n’existait pas. il faudrait l’inventer pour lui ; il est très simple et très grand seigneur. Haut de taille, élancé, l’immense salle du palais Farnèse où il tient ses assises sembla avoir été faite à sa mesure ; il est à son aise dans ce noble décor. Son regard, vif et profond, semble vouloir lire dans les âmes. Il s’est toujours