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Prinkipo ; seuls les États qui ont participé à la Grande Guerre contre les Turcs y seront invités, puisque c’est cette guerre qu’il s’agit de terminer. Une autre Conférence suivra à bref délai pour établir le régime des Détroits ; pourront y être admis tous les États, même les États de fait (la Russie), intéressés à la libre navigation des Détroits. Quant à la question de Thrace. afin de garantir la sécurité des populations et en même temps de rassurer les Turcs sur les intentions des Alliés, on la résoudra en trois stades : d’abord les Grecs seront invités à se retirer le plus tôt possible à l’Ouest de la Maritza ; puis, dans les territoires évacués, les Gouvernements alliés assureront, par une occupation interalliée provisoire, le maintien de l’ordre et de la sécurité publique jusqu’à l’établissement de l’administration civile et de la gendarmerie turques. Cet établissement aura lieu dans un délai qui ne dépassera pas un mois après l’évacuation de la Thrace orientale par les troupes grecques. A l’expiration de ce délai, les troupes alliées ne continueront à occuper que certains points de la rive droite de la Maritza et les endroits où elles se trouvent en ce moment.

On peut espérer que les Turcs, dont les chefs ont donné déjà des preuves de sagesse et de prudence, seront rassurés par ces engagements et ces précisions et que nous atteindrons sans incident grave l’heure de la paix définitive. Ce n’est que peu à peu, par un long travail diplomatique et moral, qu’un état normal se rétablira en Orient. Il faut bien voir que toutes les Puissances s’y trouvent, à l’heure actuelle, dans une situation difficile et fausse : les Turcs, parce qu’ils ont fait la guerre à l’Angleterre et à la France et qu’ils sont les alliés des Russes, qui seuls ont un intérêt historique majeur à mettre la main sur Constantinople ; — les Anglais, parce qu’ayant raison sur le fond, ils ont commis la triple faute de ne pas désarmer les Turcs, de prendre pour instrument de leur politique la Grèce et son armée, et de mener, dans tout l’Orient, une politique antifranraise ; — les Français enfin, parce qu’ils ont été amenés, par les erreurs de la politique anglaise et par la carence des États-Unis, à un accord avec les Turcs qui venaient de nous faire la guerre et de maltraiter atrocement les populations chrétiennes. Il faut, avec le temps, revenir à un état politique fondé sur la raison, sur l’histoire et l’intérêt de tous. La France a déjà repris son rôle de médiatrice : en Orient, elle a toujours été l’amie du Turc en même temps que la protectrice du chrétien ; c’étaient les deux aspects d’une même politique qu’elle ne demande qu’à reprendre. Certains journaux