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maisons, et d’abord la façade d’une ferme dont la grande porte cochers s’ennoblit d’un écusson de marbre rappelant au passant qu’à cette humble place, le 1er novembre 1757, vint au monde Antonio Canova. Au centre du pays qu’il domine fièrement de sa colonnade dorique, de son fronton triangulaire et de sa coupole imitée du Panthéon romain, un temple attire de loin les yeux du voyageur. Canova le plaça, — en 1819, le jour du scellement de la première pierre, — sous l’invocation de la Très Sainte Trinité ; mais il est surtout consacré à la gloire immortelle et à l’œuvre du statuaire. Il abrite tous ses modèles originaux et la collection de ses maquettes. Dès le seuil, le visiteur se sont pénétré de respect. L’effigie colossale de la Religion catholique semble présider l’assemblée des statues. Pie VI et Washington l’assistent. Napoléon se dresse dans sa nudité « héroïque. » Madame mère et les sœurs de l’Empereur, dans leur travestissement ou déshabillé mythologique, se prélassent sur leur trône ou leur lit de repos. Les stèles des tombeaux de Volpato, du sénateur Falier, des Stuarts, du comte Tardini, de Guillaume d’Orange, de Leonardo Pesaro, etc. ; les maquettes des mausolées des papes Clément XIII et XIV, de l’archiduchesse Marie-Christine, de l’amiral Emo, de Nelson, de Titien ; celui d’Alfieri que la comtesse Albany lui commanda pour « immortaliser son attachement, » les centaines de bas-reliefs où Canova notait rapidement, comme sur des feuillets d’album, les idées qui lui traversaient l’esprit entre deux grands ouvrages et pendant les lectures qu’il se faisait faire au cours de son travail, remplissent le grand vaisseau et tapissent les parois ; des effigies païennes et chrétiennes, iconiques et allégoriques. Hercule brandissant comme une fronde le corps du malheureux Lycas, avant de le précipiter dans les eaux de la mer Eubée, Thésée et le Minotaure, les Géants aux prises avec les Centaures, Bonaparte et Apollon, les nymphes et les danseuses pompéiennes, Vénus victorieuse et Madeleine pénitente, les génies de l’amour et de la mort, Socrate buvant la ciguë, la mort de Priam, le retour de Télémaque, la Pietà et les trois Grâces, San Giovanino et Eros, les Hébés, les Adonis couronnes par Vénus, la mythologie et l’histoire surgissent de toutes parts... C’est là que viennent d’être célébrées les fêtes du centenaire. Pendant que se disloquent les cortèges officiels et que s’éteignent les derniers échos du l’éloquence des orateurs, interrogeons simplement ces