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SOUVENIRS
D’UN OFFICIER
DE LA GRANDE ARMÉE
PUBLIÉS PAR MAURICE BARRÉS, SON PETIT-FILS [1]

II
LES HÉROS DE L’ÉPOPÉE DEVIENNENT
« LES BRIGANDS DE LA LOIRE »


TILSITT

19 juin. — A Tilsitt, sur le bord du Niémen. Les Russes étaient campés sur l’autre rive du fleuve, où on les voyait et les entendait facilement, surtout quand ils se réunissaient le soir pour chanter la prière. Le beau pont en bois établi sur cette rivière était brûlé ; aucune communication n’était possible entre les deux rives, car toutes les barques et bateaux avaient été emmenés ou coulés bas : cependant, quand il fut convenu qu’une entrevue entre les deux Empereurs aurait lieu sur un radeau, au milieu du fleuve, il s’en trouva pour porter les matériaux nécessaires à sa construction.

Ces préparatifs nous préoccupèrent singulièrement ; on était las de la guerre, on se voyait en quelque sorte à l’extrémité du monde civilisé, à cinq cents lieues de Paris et exténué de fatigue. C’était bien suffisant pour désirer de voir sortir de ce radeau une paix prochaine, et digne des grands efforts d’une armée qui avait tout fait pour vaincre les ennemis de la France.

  1. Copyright by Maurice Barrès, 1922.
  2. Voyez la Revue du 1er octobre.