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sérieux dans tous les Balkans et provoquerait très probablement une énorme effusion de sang... » Le Gouvernement britannique est « prêt à assumer sa part d’efforts ; » il fait appel à ses associés de la guerre, mais aussi aux États balkaniques, Roumanie, Serbie, Grèce : « le Gouvernement de Sa Majesté s’adresse donc à ces trois Puissances balkaniques au sujet de leur participation à la défense effective des zones neutres. » Les Dominions ont été invités à envoyer leur contingent pour la défense « d’un sol consacré par l’immortel souvenir des Anzacs. » Enfin la conclusion : « Le Gouvernement britannique a l’intention de renforcer immédiatement et, s’il y a lieu, d’une façon considérable, les troupes mises à la disposition de sir Charles Harrington, commandant en chef au nom des Alliés à Constantinople. Des ordres ont été donnés également à la flotte britannique en Méditerranée pour qu’elle s’oppose par tous les moyens à toute tentative des Turcs contre la zone neutre ou à toute tentative de leur part pour atteindre la rive d’Europe. »

Telle est cette troublante note, publiée sans que ni la France, ni l’Italie aient été consultées ou seulement averties et où, même quand on parle de paix, chaque phrase est rédigée en style d’ultimatum et sonne comme une fanfare de guerre. C’est toujours à opposer aux Turcs le bloc des Alliés ou, à défaut de certains d’entre eux, une coalition anglo-balkanique que tend M. Lloyd George. L’effet produit est précisément l’inverse. L’Italie, tout de suite, se récuse ; M. Schanzer n’a décidément pas été satisfait du voyage qu’il a fait, en juillet, à Londres pour parler d’Orient ; la Tribuna publie une note d’allure officieuse : l’Italie « ne participera pas aux actions militaires éventuelles que l’extension des complications asiatiques aux territoires européens pourrait provoquer en Orient. » M. Poincaré répond par un acte. significatif : les troupes françaises qui stationnent à Tchanak, sur la rive asiatique des Dardanelles, reçoivent le 18 l’ordre de se retirer dans la péninsule de Gallipoli ; elles mettent le détroit entre elles et les forces kémalistes afin qu’aucune méprise, aucun conflit avec les réguliers ou les irréguliers tures ne puisse se produire à l’improviste ; l’unanimité de la presse et de l’opinion française approuve le Gouvernement. Le même jour, M. de Montille informe lord Curzon des vues du Cabinet de Paris ; d’accord avec celui de Londres sur la nécessité de maintenir la liberté des Détroits, il diffère d’opinion avec lui sur les moyens d’y réussir. Il estime imprudent de prendre une attitude de menace ou de pression ; il ne suivra pas le Gouvernement britannique dans sa politique d’action