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balayée ; les objections, les scrupules, les craintes qui empêchaient la naissance d’un parti catholique italien, disparaissent au point qu’on s’étonne de les avoir vus durer si longtemps, et qu’on a peine à les comprendre. En deux ans, des directives sont conçues et affirmées, un programme est élaboré ; les cadres inférieurs de l’Eglise sont utilisés pour une organisation solide et disciplinée, sans que l’Eglise elle-même lie sa cause à celle du parti naissant ; on se prononce nettement pour la démocratie, de façon qu’on gagne les masses ; on affronte la vie publique, on s’affirme comme une des forces vives du pays, on s’impose au Parlement, on conquiert les ministères : quelle brève et triomphale carrière ! Encore ne la considère-t-on pas comme terminée ; ces succès ne font qu’inspirer le désir d’autres succès plus vastes ; on ne se contente plus de la collaboration au pouvoir, on aspire au pouvoir total et sans partage, et on s’en va joyeusement vers l’avenir, avec une confiance superbe et un bel appétit.


SILHOUETTES

Don Sturzo. —Sec, maigre, noir ; tout en nerfs ; Sicilien, fils d’une terre ardente, ardent comme elle. Son activité tient du prodige. Il est loin d’être sans curiosité d’esprit ; il a même fait partie, autrefois, de ce groupe de la Culture sociale, dirigé par Murri, qui voulait ouvrir le catholicisme italien aux souffles de la vie moderne. Mais de modernisme, point ; il a su se garder de tout excès ; et aussi bien, c’est l’action qui l’attirait invinciblement. Chose étrange qu’un prêtre se soit jeté dans les luttes municipales, qu’il ait conquis, à la force du poignet, la mairie de sa ville, qu’il soit devenu le secrétaire général de l’Association des communes italiennes, qu’il se soit imposé à tous par ses extraordinaires qualités d’organisateur : la soutane va mal, d’ordinaire, avec des soucis de ce genre. Prêtre irréprochable d’ailleurs, il n’a pas d’autre ambition que de faire triompher ses idées ; ou plus exactement, que de traduire ses idées en actes. Il a l’instinct des réalisations pratiques, c’est sa passion. Il est partout, il voit tout, il prévoit tout, il intervient juste au bon moment pour proposer aux hésitants, aux indécis, aux brouillons, toutes solutions opportunes. Le parti populaire serait-il né sans lui ? Il ne serait pas arrivé, sans lui, à ce haut degré de prospérité. Don Sturzo l’anime, Don Sturzo le vivifie ;