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Mexique et aux Philippines, que j’ai visitées en revenant de L’Indo-Chine. Le général Babbitt et moi nous nous découvrons sans cesse des idées et des sentiments communs.

L’ambassade des États-Unis qui va représenter la grande République au Centenaire de l’Indépendance péruvienne arrive à bord de trois grands dreadnoughts de 32 000 tonnes : chacun d’eux vaut plus de deux fois le Jules Michelet. L’un de ces monstres a subi le même accident que nous et s’est échoué dans le canal, puis fut renfloué par ses propres moyens, comme nous l’avons fait.

A cette ambassade est adjoint le général Liggett, qui a commandé l’armée américaine à Coblence et se trouvait ainsi mon voisin. A peine débarqué, le général Liggett vient me voir et nous évoquons bien des souvenirs communs.

Ma dernière journée est prise par une assez longue excursion en automobile ; j’ai déjà survolé en avion la baie de Panama et le débouché du canal, et admiré le panorama magnifique d’Ancon ; cette fois, je vais plus loin et je vois plus près : au milieu de la Gulebra et dans le poste de commandement d’où le colonel Gœthals a dirigé, ou plutôt commandé le percement de bout en bout, avec pleins pouvoirs sur tous les services ; le nom de cet officier supérieur est inséparable de cette grande œuvre. Cette tranchée célèbre de cent mètres de hauteur représente la coupe la plus profonde que l’homme ait jamais pratiquée dans la nature, et c’est peut-être aussi la plus intéressante ; on constate l’instabilité du sol où des roches ignées sont venues jaillir au milieu des couches sédimentaires et des argiles et des grès tendres de l’époque tertiaire : on comprend immédiatement les glissements qui se produisent dans de pareilles masses si peu consistantes, sous l’action des pluies tropicales et avec la menace des secousses sismiques. D’où la nécessité d’augmenter sans cesse la largeur de la tranchée pour diminuer les pentes et de draguer sans cesse le canal.

Nous visitons la caserne d’un régiment noir de Porto-Rico, de très belle allure. Sa discipline et son instruction donnent toute satisfaction à ses officiers. Les habitants de Porto-Rico, qui n’étaient astreints à aucune obligation militaire, ont demandé à fournir des troupes à l’armée américaine pendant la grande guerre, et leurs régiments se sont très vaillamment conduits.

Mais je ne puis oublier la petite colonie française qui travaille ici. Sur son initiative, je vais inaugurer au cimetière